BD : page blanche pour le festival d’Angoulême ?

La 53e édition du Festival international de la bande dessinée devrait avoir lieu fin janvier, mais un mouvement de contestation inédit de la profession pourrait la compromettre. Explications.

Marius Jouanny  • 27 novembre 2025 abonné·es
BD : page blanche pour le festival d’Angoulême ?
Dessin diffusé par les éditions Delcourt.
© Delcourt.

Pour la première fois depuis sa création en 1974, le Festival international de la bande dessinée (FIBD) d’Angoulême risque de vivre une année blanche. Depuis vingt ans qu’il dirigeait l’événement via sa société prestataire, 9e Art +, Franck Bondoux affrontait un ras-le-bol croissant de la profession. Sa gestion opaque des finances du festival et les fortes commissions que se réservait sa deuxième société, Partnership publishing, ont été épinglées par un rapport de la chambre régionale des comptes en 2021, puis par une enquête de Blast.

Mais c’est celle publiée dans L’Humanité en janvier dernier qui a mis le feu aux poudres. Elle révèle le cas d’une salariée licenciée pour « faute grave » alors qu’elle venait de signaler un viol par soumission chimique dont elle a été victime durant l’édition 2024 du festival, suscitant une nouvelle colère des auteur·ices. La remise en cause cette année du contrat liant 9e Art + et l’association du FIBD ne pouvait pas tomber mieux. La présidente de l’association, Delphine Groux, envisageait initialement une fusion avec 9e Art + pour pérenniser sa collaboration avec Franck Bondoux.

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Mais un appel au boycott suivi par nombre d’auteur·ices et d’éditeur·ices, dont plusieurs anciens grands prix ainsi que la lauréate de 2025, Anouk Ricard, l’a contrainte à lancer mi-mai un appel à projet de reprise du festival à partir de son édition 2028. Lorsqu’elle a annoncé, début novembre, son choix de reconduire 9e Art +, le bras de fer avec la profession a continué jusqu’à l’abandon de ce choix et l’ouverture d’un nouvel appel excluant la société de Franck Bondoux.

« Girlcott »

Mais cette victoire tardive n’a pas suffi aux syndicats d’auteur·ices et d’éditeur·ices, ces derniers étant poussés à l’abandon de la prochaine édition par un « girlcott » signé le 16 novembre par 285 autrices dénonçant les violences sexistes au cœur de cette crise. Tandis que des concertations ont lieu pour refonder le festival en vue de son édition 2027, le risque d’une nouvelle dépossession reste prégnant. Les deux syndicats d’édition de la profession, le Syndicat national de l’édition (SNE) et le Syndicat des éditeurs alternatifs (SEA) proposent deux visions opposées de la bande dessinée, l’une industrielle et l’autre artistique.

Tous seront désormais contraints de prendre davantage en compte la parole des auteur·ices.

Cette contradiction va continuer à alimenter les débats sur l’avenir du festival, sans compter l’embarras des financeurs publics. Tous seront désormais contraints de prendre davantage en compte la parole des auteur·ices. Lesquel·les ont pu mesurer leur force ces dernières semaines et pourraient étendre leurs revendications, dans le contexte d’une précarisation de leur métier et d’une discussion prévue en décembre au Sénat sur leur statut.

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Littérature
Temps de lecture : 3 minutes