Bataille de l’eau à Est Ensemble

Thierry Brun  • 4 décembre 2010
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Bataille de l’eau à Est Ensemble

Cela s’est passé le 30 novembre 2010 à Romainville (Seine-Saint-Denis), après 20 h 30. Cette soirée restera dans les mémoires comme une étape peu glorieuse pour la démocratie et pour le conseil communautaire d’Est-ensemble, la toute jeune communauté d’agglomération présidée par le socialiste Bertrand Kern, maire de Pantin, qui représente près de 400 000 habitants et 9 villes de Seine-Saint-Denis (Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Romainville et Pantin).

Illustration - Bataille de l’eau à Est Ensemble

Une bien étrange réunion, décisive pour l’adhésion d’Est Ensemble au Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) et au nouveau contrat avec Veolia Eau, a été le théâtre de violences autour desquelles le président de la communauté d’agglomération n’est pas pressé de demander une enquête, notamment sur la responsabilité des nervis engagés en grand nombre. « J’ai contacté les cabinets des mairies de Romainville (s’est engagée à me rappeler), de Pantin (c’est Romainville qui est responsable) et la préfecture de Bobigny (le service des agréments des sociétés de sécurité ne répond que le vendredi matin) » , explique Xavier Blot, de Bondy Autrement.

Manifestement, le silence est de mise. Pas un écho, si ce n’est des opposants à la délégation de service public engagée par Est Ensemble. Signalons l’intervention de Daniel Bernard (Parti de gauche), vice-président du conseil communautaire d’Est Ensemble, pendant la séance : « Je trouve détestable les bousculades, le filtrage et les palpations qui ont eu lieu à l’entrée de cette salle parce qu’il y avait obstruction à l’accès libre du public. Je regrette que cette opposition à l’entrée ait conduit à ce que l’une de nos collègues soit légèrement blessée et d’autres repartis, ayant refusé à juste titre les fouilles illégales » .

Les conditions de la réunion du 30 novembre sont aussi l’objet de nombreuses critiques. Cette séance du conseil communautaire avait été convoquée en toute urgence par Bertrand Kern, après l’irruption citoyenne de la semaine précédente. « Une cinquantaine de vigiles de la société Enyce [sic, cette société n’existe pas et rien ne permet pour l’instant de confirmer que la communauté d’agglomération et la ville de Romainville ont fait appel à une société chargée de la sécurité dûment répertoriée] gardait l’entrée de la salle (la démocratie crée de l’emploi !). A l’intérieur, des barrières protégeaient les élus de « leurs » citoyens. Des échauffourées ont d’ailleurs eu lieu à l’extérieur devant l’impossibilité pour les citoyens d’entrer effectivement », ont relevé les militants de Bondy Autrement.

Nous apportons ici quelques témoignages filmés sur les échauffourées. On constatera que dans un premier temps, après l’heure d’ouverture au public de l’accès au conseil communautaire, les vigiles ont interdit l’entrée du palais des fêtes.

Portes closes, les citoyens venus en nombre ont dû se diriger vers une autre entrée, réservée aux élus et conseillers communautaires.

La réaction de Michel Pesci , responsable du groupe local Europe Ecologie-les Verts de Bagnolet, consterné par les violences (ci-dessous).

« *Les violences [du 30 novembre 2010] pour accéder à la séance publique du conseil communautaire au palais des fêtes de Romainville soulèvent de nombreuses questions sur le professionnalisme de ces agents de sécurité et sur le cadre légal de leur intervention (notamment sur les fouilles corporelles exigées pour entrer dans la salle) » ,* ajoute Bondy autrement, qui indique qu’un courrier a été adressé au préfet de Seine-Saint-Denis lui demandant des précisions sur le respect des dispositions encadrant les activités des sociétés de sécurité privée (Loi n°83-629 du 12 juillet 1983).

Ajoutons que des élus et conseillers ont été accueillis de manière musclées, comme le montre la vidéo ci-dessous.

« Dans l’immédiat, nous allons avec les diverses associations impliquées dans cette lutte examiner toutes les possibilités de recours juridique. Nous allons aussi nous intéresser aux conditions de sortie du SEDIF pour les villes de Montreuil et de Bagnolet, puisque la charte politique de l’agglomération prévoit explicitement de ne pas imposer à une ville un choix dont elle ne veut pas » , estime pour sa part la Coordination eau Ile-de-France.

Voici la réaction de la Coordination après le vote de l’adhésion d’Est Ensemble au Sedif : « Le conseil communautaire d’Est Ensemble a voté l’adhésion de l’agglomération au Syndicat des Eaux d’Île-de-France (SEDIF), ce qui revient à confier la gestion de l’eau à VEOLIA, par les 53 voix des élus du PS, de la droite (UMP et MODEM) et de certains élus du PCF (Bobigny et Le Pré). C’est un très mauvais coup pour tous ces habitants de Seine Saint-Denis qui vont continuer à payer un des tarifs les plus chers de France pour l’eau. Que les populations les plus démunies soient contraintes de verser une rente aux actionnaires d’une entreprise du CAC40, pour accéder à un droit fondamental, est une injustice absolue ! Que les questions légitimes posées sur la qualité de l’eau, et donc sur la santé des habitants, n’aient pas trouvé le plus petit début de réponse en dit long sur l’esprit de responsabilité des élus qui ont fait le choix du SEDIF/VEOLIA. Qu’une assemblée où la gauche dispose de 86 sièges sur 91, s’aligne sur les choix de la droite la plus libérale en dit long sur l’état de la gauche » .

La Coordination Eau Ile-de-France s’interroge sur la caractère peu démocratique de la décision de recourir au Sedif et à Veolia Eau : « C’est là sans doute le fossé le plus profond, celui qui touche à la place des habitants dans la cité. Ainsi M. Kern, le Président de l’agglomération, a-t-il pu affirmer que « le débat sur la question de l’eau (…) n’est pas essentiel pour Est Ensemble » et regretter « la politisation à outrance de notre agglomération ». Cette conception minimaliste de la démocratie et du débat politique s’est illustrée tout au long de ces derniers mois. Cela va des rapports non divulgués au public (et mêmes aux élus), en passant par les débats jamais organisés par l’agglomération (voire empêché dans les faits à Bobigny), et par le refus de réunir la Commission consultative des services publics locaux, jusqu’au vote en présence de dizaines de vigiles, d’un huissier pour constater les débordements (qui n’ont pas eu lieu) et tenir la réunion à huis-clos, et d’une caméra pour surveiller le public rebelle ! Au lieu de se réjouir de l’intérêt des citoyens pour la chose publique, leurs « représentants » (en réalité, ils n’ont pas été élus par la population pour siéger au conseil d’agglomération, ce sont des représentants …de représentants) s’emploient à les disqualifier et à les faire taire » .

A suivre dans notre prochain billet : Est Ensemble, Sedif, Veolia Eau, études et contrats en eaux troubles.

Temps de lecture : 6 minutes
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