LGV Lyon-Turin : Une étude européenne confirme la gabegie financière du projet

La version provisoire d’une étude européenne révèle le coût faramineux du projet de liaison ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin. Ce document que s’est procuré Politis contient aussi d’autres indications édifiantes.

Thierry Brun  • 5 novembre 2014
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La commission des transports et du tourisme du Parlement européen a étudié le 4 novembre un document édifiant sur le pharaonique projet de liaison ferroviaire à grande vitesse (LGV) entre Lyon et Turin. Il s’agit de la version provisoire d’une étude révisant les investissements dans les grands projets du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), que s’est procuré Politis.

Ce rapport, rédigé en anglais et daté de septembre, a été commandé par la commission des transports à la direction générale des politiques internes du Parlement européen, en charge de ces questions, et il est intitulé : « Mise à jour sur les investissements dans les grands projets RTE-T » .

Une douzaine de cas ont été analysés dont la LGV Lyon-Turin, un des cinq dossiers qualifiés de « mégaprojets » . Lors de cette présentation, des représentants de la Commission européenne ont critiqué le coût et l’impact environnemental du projet, jugé « surdimensionné » , a déclaré la députée européenne EELV Karima Delli, qui est aussi membre de la commission des transports et coordinatrice pour le groupe des Verts au Parlement européen.

« La Commission européenne reconnaît un impact environnemental réel de la construction tant au niveau des émissions de CO2 produites lors du chantier que du problème de retraitement des déchets pollués générés par les travaux » , a-t-elle ajouté.

Le document de 90 pages a pour sa part analysé le coût et les bénéfices du projet de tunnel de base transfrontalier de 57 kilomètres de la LGV Lyon-Turin. Il révèle une estimation plus élevé que les 8,6 milliards d’euros avancés par les partisans du grand projet ainsi que par le maître d’ouvrage Lyon Turin Ferroviaire (LTF). Le coût serait en réalité situé entre 12 et 14,3 milliards d’euros.

L’étude relève notamment que le projet de tunnel de base « a été prolongé de 14 kilomètres » , puis de 72 kilomètres de nouvelle ligne en Italie, de 52 kilomètres pour les trois tunnels, et enfin de 120 kilomètres de nouvelles lignes en France. Au total, l’infrastructure à réaliser comprendrait 257 kilomètres de ligne ferroviaire.

Les experts européens en ont déduit un coût global qui se situerait autour de 26 milliards d’euros , une estimation en deçà de la réalité, selon les opposants. « La Commission européenne confirme le coût de 26 milliards d’euros du Lyon-Turin dans ses projections actuelles. Mais qu’est-ce qui nous garantie que ce montant cessera de monter en flèche comme c’est le cas depuis le début ? » , interroge Karima Delli.

Dans leurs conclusions, les experts indiquent : « Bien que le projet a été révisé, et une approche par étapes pour sa mise en œuvre a été développé, il y a des doutes quant à savoir si, dans le contexte actuel, le projet pourrait être bénéfique et remplir ses objectifs qui consiste à transférer le fret de la route vers le rail » . L’étude présente aussi des conditions pour la réalisation de la LGV Lyon-Turin, dont une attire l’attention : « Une analyse financière de la phase d’exploitation ne semble pas exister, et il n’y a pas d’évaluation actualisée des effets économiques plus larges compte tenu des estimations récentes des coûts » .

« Le rapport stipule qu’une phase d’approche a été planifiée pour le réseau du Lyon-Turin. Dans la première phase le tunnel de base sera construit et les autres éléments suivront seulement si la demande de transport sur le réseau croit vers les limites de capacité (…), le projet complet devrait fournir une évaluation positive socio-économique , poursuit Karima Delli. En clair, la viabilité économique du projet n’étant pas assurée, la Commission se prononce aujourd’hui pour un financement et une réalisation segmentés. Il s’agit bien là, et c’est une première, d’une forme de désengagement de la Commission sur le projet dans son ensemble. »

La Cour des comptes en France a pour sa part stigmatisé « la part de responsabilité de l’Europe dans le dévoiement du rôle conféré à la grande vitesse » , en « échafaudant un plan ambitieux de réseau européen de transport (…) quitte à prendre fait et cause pour des projets dont la rentabilité socio-économique est discutée » .

Temps de lecture : 4 minutes
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