Ukraine: les Russes envoient à nouveau des gros renforts et des armes aux séparatistes

Claude-Marie Vadrot  • 13 novembre 2014
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Il devient de plus en plus difficile, même pour les obsédés de l’Otan, de la CIA , des Etats-Unis ou du complot permanent, de nier qu’une nouvelle fois des troupes spéciales, des camions de matériel et de munitions, des blindés et des pièces d’artillerie, voire des missiles, ont passé la frontière russe pour pénétrer à nouveau dans les zones tenues par les séparatistes ukrainiens.

Le schéma est le même que lors des précédents incursions : le matériel et les véhicules ont tous été débarrassés du moindre distinctif. Ils ont été photographiés à de nombreuses reprises et surtout parfaitement identifiés et répertoriés par les observateurs officiels de l’OSCE, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. Organisme peut suspect d’être partisan puisque la Fédération de Russie fait partie de ses 57 états membres et y joue un rôle important, comme d’ailleurs les Etats Unis qui n’ont d’ailleurs qu’un statut d’associé comme le Canada. Les observateurs de l’OSCE ne sont pas réputés pour leur courage ou leur audace quand des combats s’intensifient, mais ils sont considérés comme très fiables et neutres quand il s’agit de surveiller des opérations électorales ou des zones menacées par des conflits ou des agressions. D’ailleurs le gouvernement russe a accepté leur présence dans les territoires contestés.

Les renforts russes ont plusieurs fonctions. D’abord, il s’agit de relancer la dérive nationaliste de la population russe au moment où quelques voix dissidentes se font entendre dans de rares médias. Ensuite il faut occuper l’espace médiatique interne pour tenter de faire oublier que le rouble a perdu 25 % de sa valeur en quelques semaines, qu’environ 80 % des prix ont augmenté et que la poussée inflationniste pourrait approcher, voire dépasser les 10 % à la fin de l’année. Une situation économique qui pèse à la fois sur les plus pauvres et sur les classes moyennes, mais qui n’est pas uniquement la conséquence des sanctions imposées par une partie de la communauté internationale, dont les Etats Unis et l’Europe. L’économie de la Russie se dégrade depuis des années, faute d’investissements en dehors du pétrole, du gaz et de la finance.

Enfin, le Kremlin s’est rendu rapidement compte que les de plus en plus maigres troupes des séparatistes ne pourraient pas faire face à l’armée ukrainienne en dépit du matériel laissé par les Russes lors de leur premier retrait l’été dernier. Alors que les militaires ukrainiens ne sont ni bien équipés ni des foudres de guerre. Pour les séparatistes comme pour les Russes, il est essentiel de récupérer le contrôle de l’important aéroport de Donetsk et d’assurer l’occupation de la ville de Marioupol, au sud de la région, afin de pouvoir utiliser le grand port en eau profonde qu’elle possède.

Les affrontements les plus violents, ceux vers lesquels la majeure partie des renforts et du matériel se dirigent, se déroulent autour de l’aéroport. En dehors des pistes, il est pourtant presque intégralement détruit, mais cette bataille a deux aspects. Elle permet d’entretenir une part importante des duels d’artillerie dans une zone à la fois habitée et urbaine avec tout ce que cela suppose comme destruction et victimes civiles sans qu’il soit possible de les attribuer à un camp ou à un autre ; même si les séparatistes et leurs renforts, d’après les observateurs sur place, ont une très nette tendance à bombarder n’importe où et n’importe comment sans se soucier des conséquences et en les attribuant à leurs adversaires. Situation aggravée par le fait que les unités rebelles se sont installées au cœur des quartiers résidentiels. L’autre aspect est évidemment qu’un recul ou une évacuation de la zone de l’aéroport par l’armée ukrainienne représenterait un symbole fort et un élément crucial pour des négociations ultérieures.

Pendant que les affrontements augmentent d’intensité, la situation économique de Donetsk et des zones encore sous contrôle russo-séparatiste, se dégrade rapidement. De moins en moins de produits frais et manufacturés dans les magasins, de moins en moins, d’ailleurs, de magasins ouverts et des prix en augmentation. Sans oublier que les retraites, les pensions et les salaires ne sont plus payés dans les espaces « séparés » et que le système bancaire a disparu. La précarité de la survie des habitants, qu’ils soient pro-ukrainiens, pro-russes ou le plus souvent indifférents, est aggravée par le développement d’une délinquance armée organisée par des miliciens qui ont abandonné la lutte contre l’armée ukrainienne pour des trafics plus rentables. La situation, sur ces derniers points, est la même en Crimée où les Russes et les fonctionnaires « importés » ont fait main basse sur tous les secteurs économiques, sur les banques et sur les administrations sans que les bandes criminelles soient inquiétées. Quant aux Tatars, qui représentent entre 12 et 15 % de la population, ils sont de plus en plus persécutés. Au point que plusieurs de leurs responsables sont interdits de séjour en Crimée et que leur assemblée représentative traditionnelle, le Mejliss, n’a plus le droit de se réunir.

Mais, il n’y a pas là de quoi émouvoir l’opinion publique, française ou autre, et encore moins le G20 qui se réunit en Australie : c’est si loin l’Ukraine…

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