CETA dire

(oui ou non)

Association Pour Politis  • 20 novembre 2017
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CETA dire
Alain Descamps Pour Politis

Est-il besoin de préciser aux lecteurs de Politis ce qu’est le CETA ? On en a assez parlé. Cet accord de libre échange entre le Canada et l’Union européenne qui entend faire le bonheur des multinationales en abaissant les tarifs douaniers, et les normes (non tarifaires), c’est à dire sociales , sanitaires et environnementales. Sans parler du déni total de démocratie d’accords scélérats négociés dans l’ombre, en catimini, à l’abri des regards citoyens.

Avec Macron – et malgré les recommandations de la commission Schubert (nommée par Jupiter) et ses avertissements quant à l’incompatibilité du CETA avec les accords de Paris issus de la COP 21 – l’application provisoire du CETA a démarré le 21 septembre dernier. Cela veut dire, en clair, que tout l’accord peut s’appliquer quant aux transactions commerciales, à part les arbitrages privés idoines pour chaque accord (ISDS). Y compris les coopérations réglementaires (ICS), qui permettent aux multinationales de garder un œil sur les suites de l’accord et de veiller à le rendre évolutif. Cette coopération qui permet surtout aux lobbies des multinationales d’influer sur l’évolution des réglementations, avant même d’y associer les élus..

Nous étions une dizaine, ce samedi 18 novembre à 14 heures pétantes, pour faire voter le chaland sur la grand place de Lille. Un référendum d’initiative citoyenne, dans la mesure où le fameux référendum d’initiative partagée requiert un cinquième des parlementaires (députés et sénateurs) et un dixième du corps électoral. Des seuils inatteignables compte tenu de la composition des assemblées.

Le collectif Stop Tafta Ceta de la métropole lilloise s’est donc lancé dans l’aventure d’un référendum qui était organisé dans toutes les grandes villes de France, à l’échelon national. Pour symbolique qu’il soit (mais les symboles sont importants car ils influent aussi sur la réalité), ce référendum avait pour but d’informer, de sensibiliser, et de montrer que des causes aussi importantes ne peuvent être laissées à la discrétion des lobbies, des technocrates et des multinationales.

Des gens s’approchent, viennent s’informer, discutent et finissent par voter. 76 bulletins entre 14h et 15h30 et nous avons dû battre en retraite sous une pluie battante après quelques minutes de résistance. 74 bulletins non au CETA et 2 oui (un type visiblement remonté qui a mis le bulletin dans l’urne sans émarger et quelqu’un qui a avoué s’être trompé). L’accueil est bon et on nous félicite pour notre ténacité. Des belges de Charleroi avec qui nous parlons de leur bourgmestre Paul Magnette, des marseillais en goguette à Lille qui cherchent une baraque à frite, des gens de Dijon qui sont là en touristes, même une américaine timide qui s’approche de l’urne. Toutes et tous connaissent un peu le CETA. Ils savent que ce n’est pas très bon. On leur explique et on leur donne de la documentation, des tracts, des auto-collants. Ils repartent visiblement contents d’avoir voté.

© Politis

Adrien Quatennens (député de la première circonscription) vient faire son devoir et nous félicite pour cette initiative. On prend des photos pour immortaliser cet après-midi pluvieux de résistance et c’est un photographe pigiste de Libération qui se tient derrière l’objectif.

Tout se passe bien et les gens votent quasiment sans discontinuer, jusqu’à cette putain d’averse qui rend l’exercice impraticable. Ne reste plus qu’à battre en retraite comme des vendeurs à la sauvette surpris par la maréchaussée. On replie les tables, on enfourne l’urne, les tracts, la documentation, les pancartes et les bulletins dans de grands sacs. Et c’est parti pour le comptage, au chaud, comme pour un vote ordinaire : nombre de bulletins par rapport aux listes d’émargement, bulletins par paquets de dix, décompte des oui et des non (certains passants regrettaient l’absence de bulletins « ne sait pas » ou « ne se prononce pas ».

On transmet ensuite les résultats au siège du national où il doit régner une ambiance surchauffée et fébrile et où l’on collationne tous les résultats des scrutins (votes ou sondages) dans la France entière. Une belle expérience de démocratie concrète et réelle, comme cela avait été fait contre la privatisation de La Poste en 2009 ou contre la (contre) réforme des retraites en 2010.

Une expérience à renouveler, sur le même thème ou sur d’autres (protection sociale, logement, chômage, finance, climat, retraites encore) tant il est grand temps que les citoyen-ne-s s’invitent dans la tambouille de plus en plus nauséabonde des possédants – le 1 % – servis par des technocrates et des politiciens qui ne sont plus que leurs fondés de pouvoir.

Simplement dommage que l’initiative se soit télescopée avec la montée du Front social à Paris, le même jour. Cela prouve en tout cas que militer, c’est parfois chiant mais c’est toujours utile.

Didier Delinotte

Temps de lecture : 4 minutes
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