Chronique déconfinée du jardin: le navet n’est pas seulement un mauvais film…

Il a fait son entrée en cuisine loin du pot-au-feu

Claude-Marie Vadrot  • 13 mai 2020
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Chronique déconfinée du jardin: le navet n’est pas seulement un mauvais film…

Il y aura bientôt une cinquantaine d’année que j’ai commencé à bêcher mon jardin des environs de Gien, dans la Loiret, je ne savais pas grand-chose de la terre, ayant oublié ce que j’avais vu et essayé dans la ferme morvandelle de mes grands parents. J’ai vite compris que je me créais une addiction qui dure encore et m’a servi d’antidote à chaque retour de couverture journalistique d’un conflit armé lointain, de la guerre du Bangladesh aux Balkans en passant par la Tchétchénie ou le Rwanda. Le jardin potager et fruitier, c’est une ascèse, un remède, un plaisir et une façon de se nourrir. Deux fois par semaine je raconterais ce que je fais, ce que cela m’inspire et à quoi cela sert.

Le navet a longtemps mérité de voir son nom affublé à de mauvais films, à des pièces de théâtre médiocres ou plus récemment à des séries télévisées ne laissant pas non plus un souvenir impérissable. Produit de consommation courante depuis des siècles en France après être venu du Proche Orient, d’Inde ou de Chine, le navet et son cousin jaune le rutabaga, figurait depuis le début du Moyen Age, dans les brouets presque quotidiens d’une majorité de Français Ceux de la campagne et des villes, mais aussi les plus pauvres.

Même accompagnée d’un morceau de lard ajoutant, au fur et à mesure d’une longue cuisson un vague fumet aux légumes, la soupe au navet ne suscitait pas un grand enthousiasme, même si l’on ajoutait quelques feuilles ou même un trognon de choux. Ce légume racine perdit progressivement sa suprématie dans les menus populaires, dés le XIX° siècle quand la pomme de terre le supplanta. A la fois par son gout, par sa faculté d’être cuisiné de mille façons et sa facilité de culture. Sa disparition progressive des menus familiaux coïncida d’ailleurs à cette époque, à la naissance de l’attribution de son nom aux mauvais spectacles.

La culture du navet est presque aussi facile que celle de la pomme de terre, quelle que soit sa variété et sa couleur qui va du rose au rouge en passant par le jaune. Qu’on le sème en hâtif ou bien d’une autre variété récolté au début de l’hiver et que l’on met au frais en cave et qui se conserve plusieurs mois au frais. Caractéristiques qui expliquent que les familles pouvaient en consommer pratiquement toute l’année. Il y a le navet dit de Milan, le navet boule d’or légèrement sucré, le navet hâtif d’Auvergne ou le navet de navet de Nancy ou le navet mi-long de Croissy. Et le navet fourragé qui sert à alimenter les animaux et qui est également mangeable quand on le récolte jeune. Un petit navet délicieux lorsqu’il est préparé en le cuisant à la poêle.

Pour tous il faut tracer un sillon de un à deux centimètres de profondeur et y disposer des graines qui sont remarquablement fines. Quand ces semences sortent de terre au bout de deux à trois semaines, selon la température, vient le temps le plus fastidieux de cette culture. Comme il est impossible de maîtriser le semis en raison de sa finesse, il faut, dés que les plantules arborent quelques petites feuilles, éliminer celles qui sont en surnombre en n’en laissant une tous les 6 à 8 centimètres pour que légume à venir ait la place de grossir. Ensuite tout se passera bien pourvu que l’on ait choisi un endroit pas trop ensoleillé du jardin.

Il y a maintenant une quinzaine d’année, profitant du retour à la mode des anciens légumes sur les étals de maraichers dans les « paniers » des AMAP, le navet a connu un retour en grâce dans les cuisines familiales et dans celles des restaurateurs. Car ce vieux légume, dont il existe maintenant une trentaine de variétés, ne sert pas qu’à décorer un pot-au-feu (et piqué de clous de girofles) dont il absorbe toutes les fragrances de la viande ou de la poule. Désormais il se cuisine. Notamment, dans une poêle profonde, avec de l’huile d’olives, des oignons, quelques carottes et des herbes aromatiques. Tout le reste est affaire d’imagination en cuisine. Pour ma part, revenant sur l’image insipide du navet, j’ai repris sa culture et sa consommation sans prendre le moindre risque de surpoids car si son apport en vitamines C et B3 est incontestable tout comme son pouvoir diurétique, son apport calorique est très faible.

(A suivre: framboises, cassis, groseilles et autres baies)

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