Coquin cocasse

Michel Tyszblat expose à Lyon ses toiles
et aquarelles récentes. Du ludique courtisant
les équilibres. Foutrement malicieux.

Jean-Claude Renard  • 1 mars 2007 abonné·es

Ça a débuté comme ça. Par des allures de quincaillerie pigmentée. Un magasin pittoresque gavé d’objets hétéroclites. Un mariage de la carpe et du lapin. Michel Tyszblat se fait d’abord mécano, ou tourneur fraiseur qui aurait mal tourné, avec un plein paquet figuratif de pièces détachées extirpées d’un garage, d’un appentis débridé, foisonnant. Puis l’artiste finit par ranger ses jouets. Sans quitter l’émotion. Il figure, lisse, polit sa technique. Et se remet à jouer, différemment, avec ce que peut charrier la vie ordinaire, urbaine. En témoigne cette exposition dans une galerie lyonnaise, qui présente ses récentes toiles (2004-2006) et quelques aquarelles.

Une place pour chaque chose, et chaque chose à sa place. Affaire d’ordre, de rayons pour un marchand de couleurs qui pique ses trilles précisément dans la couleur. À l’occasion, ça se bouscule au portillon. Voire plus. Faute de portillon. Pas de hasard alors si la Bousculade se veut une composition dans la décomposition. Ici un avant-bras, un corps désarticulé, là une tour qui semble virer, s’envoler dans une goguette certaine. Un joyeux tintamarre d’objets et de chair, une gestuelle ébouriffée qui bascule volontiers dans la rigolade. La Découverte d’une jeune fille elle-même découverte se pare de stupéfaction calée dans les teintes roses et les courbes mutines. Voilà du frais et fringant, du coquin cocasse, comme cet abandon de Lili , rutilante, en transe d’élans tandis que s’échappe du cadre un petit monsieur, comme cet arc-en-ciel de couleurs avec sa tête de brebis, son canari, ses silhouettes élancées, lumineuses, forcément pour Que la lumière soit ! La toile ne manque pas de mouvement, de bruissement dans les airs, tutoyant les anges. Mieux même : des effets de bruits dans le silence. Ailleurs encore, se distinguent d’autres bestioles, d’autres guimbardes, d’autres traits féminins. Une arche de Noé moderne en somme, dans une empoignade de formes en route vers l’infini. Malaxées au gré d’une imagination à la marge, chahuteuse. Du convexe flirtant avec le concave. C’est là de l’univers et de l’universel haut en couleur.

Avec l’air de pas y toucher, et foutrement malicieuse, la peinture de Michel Tyszblat consisterait à cabrer heureusement les différents éléments, courtiser les équilibres, opposer, croiser les volumes et les formes. Le motif n’a qu’à bien se tenir. Plier sans rompre. D’angles droits en cercles turbulents. C’est là une poésie picturale qui exige du temps, celui d’entrer dans le tableau, dans un univers énigmatique, l’artiste donnant l’air d’imposer la contemplation (ce qui renvoie à l’essence même du dessein de l’artiste). La peinture de Michel Tyszblat : du cérébral qui ne s’épargne pas du grotesque, un absurde triomphant phagocyté par le ridicule, le désir, l’envie de s’étonner, du cérébral qui se confronte à l’émotion. Où l’émotion finit par l’emporter…

Culture
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