Un simple « accident électoral » ?

Pour Dominique Voynet, son très faible résultat n’est pas une « catastrophe écologique ». Le parti vert reporte après les législatives
le nécessaire débat sur son avenir politique.

Patrick Piro  • 26 avril 2007 abonné·es

Les Verts ont accepté avec une apparente philosophie le résultat du premier tour de la présidentielle. Quand le résultat de Dominique Voynet [^2] apparaît sur les écrans du Lavoir moderne parisien, petit théâtre du XVIIIe arrondissement de Paris transformé en QG le temps d’une soirée électorale, aucune émotion particulière n’étreint la centaine de militants présents. « Tout s’est passé comme prévu » , blague le député Yves Cochet. Quelques « ouais ! » saluent les chiffres encore plus modestes de José Bové, et surtout ceux du chasseur Frédéric Nihous, qui avait affiché comme objectif principal de battre la candidate verte.

Autour du buffet, le discours est bien rodé : c’est le « vote utile » au profit de Ségolène Royal mais aussi, en partie, de François Bayrou, qui a laminé les écologistes (le candidat Noël Mamère avait pourtant recueilli 5,25 % des suffrages en 2002). Bref, hormis la LCR, la même claque que pour les autres « petits partis » [^3], leur premier candidat historique, en 1974.), mais avec cette propension particulière à l’encaisser sans faire de drame : la personnalisation de la présidentielle réussit mal aux Verts, et leur électorat est traditionnellement peu captif. Celui-ci devrait rentrer au bercail à l’occasion des législatives de juin, pronostique même Dominique Voynet. « Un accident électoral, pas une catastrophe écologique » , résume la secrétaire nationale, Cécile Duflot.

Sans surprise, la candidate Verte appelle à voter pour Ségolène Royal au second tour. Mais, avec un aussi faible pactole en poche, personne n’ose parler de « négociations » avec les socialistes, enjoints à considérer le message des Verts entre les deux tours. « Pour battre Sarkozy et faire gagner la gauche , estime le porte-parole Yann Wehrling, Ségolène Royal devra répondre pleinement aux attentes des écologistes. » Attentes que Dominique Voynet et le collège exécutif du parti, exercice formel, égrènent dans leurs déclarations : un plan ambitieux de lutte contre le réchauffement climatique, sur l’énergie, la sortie du nucléaire, l’arrêt des projets autoroutiers, la réduction des inégalités sociales, les OGM et la réforme des institutions.

Cette argumentation sans surprise devrait permettre aux Verts de faire momentanément l’économie d’une introspection, qu’ils pourraient retarder à leurs prochaines journées d’été en août. En effet, même une éventuelle victoire de la gauche le 6 mai au soir, n’éludera pas la douloureuse question : quel avenir pour l’écologie politique incarnée par les Verts en France ? Priorité ayant été donnée à la campagne électorale, la portée du choc Hulot n’a pas encore été analysée. Alors que tous les candidats ou presque ont fait acte d’allégeance au Pacte écologique de ce dernier, le résultat de Dominique Voynet ne conclurait-il pas aussi, dans l’esprit de l’électorat, à « l’inutilité » des Verts ?

Cécile Duflot balaye l’hypothèse. « À l’évidence, l’écologie politique a besoin d’un parti, et d’un grand parti, que les Verts doivent constituer en s’ouvrant largement. » Yves Cochet, qui en avait déjà fait un leitmotiv lors du congrès du parti en décembre dernier, à Bordeaux, veut dès 2007 « refondre, regrouper, rassembler » les écologistes, de Bové à Bayrou en passant par Hulot. Quelle décision prendra la petite aile antilibérale des Verts, emmenée par Francine Bavay, suspendue pour quatre mois, jusqu’à fin juin, du collège exécutif pour sa participation à la campagne de José Bové ? Elle appelle de son côté à une rupture urgente avec les « logiques boutiquières » pour mettre sur pied, avec les Verts, le PCF, la LCR et le mouvement citoyen, des candidatures unitaires pour les législatives.

Secrétaire nationale adjointe, chargée de la réforme du parti, Mireille Ferri se refuse pour sa part à occulter la « vraie crainte » qu’elle perçoit au sein du parti, qui doit « dépasser le stade de la langue de bois », alors que le chantier de sa réforme, vieux serpent de mer, remonte périodiquement à la surface depuis une quinzaine d’années. « Le phénomène Hulot montre que nous nous sommes laissé distancer. Nous devons nous remettre à penser et à innover. »

[^2]: 1,57 % des voix.

[^3]: Le plus faible résultat des écologistes à une présidentielle est celui de René Dumont (1,32 %

Politique
Temps de lecture : 4 minutes