Les gogos du pétrole

Christine Tréguier  • 28 juin 2007 abonné·es

Mi-juin, se tenait à Calgary (Alberta-Canada) la Gas and Oil Expo 2007, grand-messe annuelle réunissant les professionnels de l’industrie gazière et pétrolière. Elle aura été marquée par une conférence pour le moins inhabituelle, dont les participants se souviendront sans doute longtemps. Vantée par les organisateurs comme l’événement phare de la manifestation, cette conférence accueillait un représentant du National Petroleum Council (NPC, une agence américaine conseil en politique énergétique, présidée par un ancien dirigeant d’Exxon Mobil) venu dévoiler les conclusions très attendues d’une étude commandée par le secrétaire d’État à l’Énergie. La salle était donc pleine de journalistes et de congressistes ayant acquitté leur ticket d’entrée à 45 dollars.

Ce qu’ils ignoraient, c’est que les deux conférenciers qui se présentèrent à eux comme étant Florian Osenberg, d’Exxon Mobil, et Shepard Wolff, du NPC, n’étaient autres que les Yes Men http://www.theyesmen.org, spécialistes du canular et de l’usurpation d’identité. Après une introduction circonstanciée sur les effets dévastateurs présents et futurs du changement climatique, suivie d’un sévère constat sur le fait que les politiques énergétiques américaines et canadiennes ­ en particulier l’exploitation des boues pétrolières et du charbon liquide en Alberta ­ augmentaient les risques de catastrophe écologique, Osenberg rassura son audience : Exxon Mobil avait la solution pour que « le pétrole continue à couler » . Le plus sérieusement du monde, Wolff leur présenta Vivoleum, un « nouveau pétrole » obtenu par transformation des corps de personnes décédées. Devant un parterre encore incrédule, il démontra, graphique 3D à l’appui, la transmutation de la matière biologique en or noir. Expliquant que « Vivoleum est en parfaite synergie avec la poursuite de l’expansion de la production de pétrole fossile. Plus de combustible fossile signifie plus de risques de désastre, mais aussi plus de ressources pour Vivoleum. Ainsi, le pétrole coulera pour ceux qui survivront. »

Puis nos deux Yes Men firent distribuer des bougies et proposèrent à la salle de les allumer tout en regardant une vidéo rendant hommage à un dirigeant d’Exxon Mobil, pionnier du Vivoleum, récemment décédé. Ce n’est qu’au moment où l’homme exprimait le voeu, s’il mourrait, d’être transformé en bougie que l’organisateur se précipita sur scène pour virer les deux usurpateurs et appela la police. Qui finit par les relâcher faute de délit constitué. Décidément, plus c’est gros, plus ça passe !

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