Manu Chao entre la rage et la fiesta

Avec chaleur et sincérité, le chanteur, qui entame une tournée en France, évoque avec nous ses vingt ans de scène, sa manière de travailler, son engagement et ses « quartiers », en France, au Brésil ou en Espagne. (Lire aussi Chao sauce rumba )

Ingrid Merckx  et  Christophe Kantcheff  et  Politis.fr  • 30 avril 2008
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Manu Chao entre la rage et la fiesta

Au journal, il y avait ceux (les plus jeunes), qui ne comprenaient pas qu’on n’ait jamais organisé une rencontre avec Manu Chao. Et ceux (les moins jeunes) qui évoquaient un rendez-vous raté… Remis, en fait, puisqu’une date a été arrêtée, ce mois de mars, à Paris. Au début, l’ancien chanteur de la Mano Negra, qui joue maintenant avec le collectif Radio Bemba, devait venir dans les locaux de Politis . Mais, emploi du temps oblige, l’entrevue s’est déroulée dans un café de Pigalle, en bas de La Boule noire. Ce jour-là, ç’aurait pu durer jusque tard. Aimable, pro, il était un peu sur la réserve au début. À la fin, on ne l’arrêtait plus.

Illustration - Manu Chao entre la rage et la fiesta


« Avec le temps, j’ai appris à créer dans le plaisir. Je suis passé par diverses étapes, mais la création dans la souffrance, je n’en veux plus ! » / FRANK FIFE.

Il paraît comme ça, Manu Chao : dans le contact, dans l’échange, l’œil pétillant, le sourire facile, à l’écoute, mais suivant son idée jusqu’à ce qu’il l’attrape. Pistant le parler vrai, lui qui ne dénonce rien tant que le mensonge et l’hypocrisie dans ses chansons. Lui qui défend le débat avant tout, principe qui commence dans la rue, en bas de chez soi. Car c’est à l’échelle du quartier qu’il vit son engagement social et politique. L’est pas baratineur. Pas cabot non plus. Ne cherchant pas à masquer ses contradictions ou ce qu’il ne sait pas. Osant dire ses limites, ses trouilles, ses « kifs », ses colères. Ni naïf ni résigné. Pas dans le récit de soi mais pas blindé. Pas dans la séduction mais séduisant de sincérité.

Et pas avare de son temps. Mais Manu Chao était attendu ailleurs… Il reste donc des choses en suspens. On aurait aimé en savoir davantage, par exemple, sur son passage de Virgin à Because, sur les musiciens qu’il produit, et sur ceux qui l’accompagnent. Parce qu’il dit souvent « nous » quand il parle. Il est comment Manu ? Comme ses chansons. Faudra remettre ça.

Vous connaissez Politis depuis longtemps ?
Manu Chao : Oui… Mais c’est surtout mon père, Ramon – dont le métier est journaliste – qui connaît bien.

Pendant la campagne pour les législatives en Espagne, le Parti populaire (PP) a piraté l’une de vos chansons. Pour quelle raison, et comment avez-vous réagi ?
Le Parti populaire a en effet utilisé « La Trampa » sur une vidéo de propagande visant son adversaire, Zapatero. Nous avons rédigé un communiqué pour récuser cette utilisation. Mais c’est de notoriété publique : le PP ne peut pas me sentir, et c’est réciproque… La chanson, « Cahi la trampa », signifie « Je suis tombé dans le piège ». [Elle raconte l’histoire de quelqu’un qui se sent dupé, et la vidéo désigne Zapatero comme le fourbe, ndlr.] On va aller devant les tribunaux. J’ai déjà eu une salade dans ce genre, à l’envers : lors de précédentes élections, Zapatero avait dit à Aznar qu’il ferait bien d’écouter la musique de Manu Chao… Mais jamais encore on ne m’avait pris une chanson. Cela fait des années que le PP me cherche des noises : il a fait annuler nombre de mes concerts ! Notamment en 2003, parce qu’on jouait avec le chanteur basque Fermin Muguruza. Le bruit a couru qu’on faisait l’apologie du terrorisme…

Illustration - Manu Chao entre la rage et la fiesta

«No comment» / RIOPA/AFP.

Y a-t-il en Espagne ou en France un projet politique qui recueille votre adhésion ?
J’ai les deux passeports, je vote dans les deux pays. Ce qui n’arrange pas forcément mes affaires, car j’ai toujours voté contre quelqu’un. Je n’en suis pas fier. Depuis que j’ai 18 ans, je vote utile. Sauf au premier tour, peut-être. J’ai bien sûr des sympathies, mais ma terreur, c’est que les pires arrivent au pouvoir. Mais j’ai un problème avec la démocratie : ceux pour qui on vote ne sont pas vraiment décisionnaires. Il y a vingt ou trente ans, les politiques pouvaient avoir une influence sur l’économie. Aujour­d’hui, le rapport de forces s’est inversé. Le pouvoir est moins dans les urnes que dans les coffres des grosses sociétés. L’actionnaire est plus influent que le politique. Cela dit, j’ai plein de potes qui ne vont pas voter. J’arrive à les comprendre, mais moi, je vote : je suis né en France à cause de ça, mon grand-père a été condamné à mort en Espagne pour avoir défendu le droit de vote. Je critique les conditions d’exercice de ce droit, mais si on ne l’avait pas, ce serait pire !

Il y a eu des changements en Espagne du fait du passage du gouvernement Aznar à celui de Zapatero. Comment les percevez-vous ?
Sous Aznar, on avait l’impression d’avoir une chape de plomb sur la gueule. Depuis qu’il est parti, on respire mieux : le pays est plus « civilisé ». Il y a eu des lois intéressantes, notamment sur des questions de mœurs, mais sur les questions sociales ?

Pourquoi cette chanson : « Politik Kills ? »
Plein de gens m’ont dit : « Je ne suis pas d’accord avec toi, Manu, pourquoi tu mets tout le monde dans le même panier ? » La chanson est un peu radicale, évidemment. La politique ne tue pas tout le temps… Maintenant, la politique, ça n’est pas que ça, c’est aussi débattre, informer. Quand je lis ce ­qu’écrivent les journaux sur le Venezuela, je suis outré. Cela n’a rien à voir avec ce qui se passe là-bas, dans les quartiers, cette bouffée d’espoir ! Il faut reconnaître au moins ça : le Venezuela, aujourd’hui, c’est un laboratoire. Peut-être que dans dix ans, on dira que ­c’étaient des illusions. Mais au moins, là-bas, il se passe un truc. Et ça diffuse au-delà. À Bamako, par exemple, Chavez est une icône pour les jeunes, peut-être parce qu’ils se sentent une proximité avec les Vénézuéliens.

Cela vient contredire l’idée que les politiques ne peuvent rien changer ?
C’est vrai. C’est qu’au Venezuela, les politiques tiennent l’économie. Le pétrole y est encore nationalisé à ce que je sache. Sans le pétrole, Chavez ne serait plus là.

Quelle presse lisez-vous ?
J’essaie de lire un peu de tout. J’habite en Espagne, donc je lis d’abord la presse du bistrot, en espagnol. Et puis je me fais ma revue de presse sur Internet. Hier, j’étais à Londres, et j’ai vu une interview magnifique de Daniel Barenboïm à la télévision. Je suis resté scotché : ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu parler d’Israël comme ça, en tout cas par un Israélien. Ça m’a fait du bien d’entendre ce qu’il disait, la manière dont il le disait. Ça m’a donné envie de le rencontrer.

Vous chantez en espagnol, en français, en anglais, en portugais… Comment choisissez-vous ?
Je décide rarement : ça dépend surtout de l’endroit où je me trouve. Quand j’ai une idée de chanson et que mon entourage est espagnol, j’écris en espagnol. Bon, j’ai déjà écrit une chanson en français au Brésil, mais en règle générale l’idée vient d’un détail, et l’ambiance dans laquelle je me trouve façonne l’idée. Je n’ai pas le même rapport à toutes ces langues. Le français, par exemple, est la langue qui m’a le plus coûté. Quand on était ados, on écoutait du rock, et le rock en français, ça sonnait nul. On écrivait les mêmes nullités en anglais mais… ça passait mieux ! Après, j’ai commencé à écrire en espagnol. Parce que ça swinguait bien, et qu’on m’y a poussé : dans les squats ou les backstages, ça nous arrivait de jouer des standards espagnols, des petites rumbas, mais jamais sur scène. Les gens adoraient, ils nous ont demandé de les jouer en concert. Le français est venu plus tard : il a fallu que je découvre Piaf, Fréhel… Quand j’ai découvert leurs textes, je me suis dit : il est là le rock ! Qu’est-ce que c’est beau, qu’est-ce que c’est triste ! Ce sont de vrais textes de rock parce qu’ils disent la rue. Le français est une langue difficile à manipuler. Pour traduire une idée, l’espagnol, l’anglais ou le portugais sont plus souples.

Sibérie m’était contée a pourtant été écrit uniquement en français…
Oui, parce que le projet est venu avec Wozniak [dessinateur de presse qui a croqué le chanteur dans le Monde , à la suite de quoi ils se sont rencontrés, ndlr]. Un jour, il s’est mis à fouiller dans mes vieux textes. Pour moi, c’était des textes non aboutis, des chansons ratées, que je gardais parce que je ne jette pas trop… Comme il ne comprend pas l’espagnol ni l’anglais, il n’a pris que les textes en français. Quinze jours plus tard, il est revenu : il avait fait des dessins à côté des chansons. J’ai trouvé ça joli. On a décidé d’en faire un bouquin, Sibérie .
L’idée de départ n’était pas de mettre les ­textes en musique. On a passé des mois sur le petit livre – c’est un métier ! Intéressant, hein, mais j’y ai laissé mes yeux ! –, des nuits à le maquetter. En même temps qu’on travaillait, je mettais des musiques de fond. À force, les musiques ont rejoint les textes, j’enregistrais de petites choses… et c’est seulement sur la fin du travail autour du livre que ces chansons sont redevenues chansons. J’ai adoré !

Ce côté bricole, recyclage, ça devient une marque de fabrique, un style ?
Je ne sais pas faire autrement. Sur mes pochettes, dans ma musique… C’est ma manière. J’y prends un réel plaisir. Car, avec le temps, j’ai appris à créer dans le plaisir. Je suis passé par diverses étapes, mais la création dans la souffrance, je n’en veux plus ! J’ai connu ça : des nuits en studio à se prendre la tête… Il y a toujours ce truc d’ego, qui va de l’autocritique, qui fait penser qu’un morceau n’est jamais fini, à l’autocomplaisance, qui empêche de couper un passage qu’on finira de toute façon par couper ! Maintenant c’est terminé : si je bloque, j’éteins, je vais au bistrot. En général, quand on reprend le lendemain, ça marche. Créer m’aide à supporter le reste, alors si tout devient un nid d’épines, ce n’est plus la peine. Je veux être comme un gosse : si tu kiffes, tu n’as même plus faim, même plus envie de dormir. Tu peux passer 24 heures comme ça, tu es bien. Mes amis me disent que je travaille trop. Mais c’est ma façon de faire. Cela, c’est pendant la phase de création, parce qu’il y a les disques, mais aussi tout ce qu’on fait autour. Je ne crée pas tout le temps : quand Radiolina est sorti, on m’a demandé ce que ­j’avais fait pendant six ans ! Eh bien j’ai enregistré pour d’autres, comme Amadou et Mariam, et Akli D. : j’ai fait plus de disques en six ans que jamais dans ma vie ! Mais pas sous mon nom. Et puis on a fait des tournées un peu partout avec Radio Bemba, on a découvert de nouveaux pays en jouant. Et j’ai vécu mon quartier…

Illustration - Manu Chao entre la rage et la fiesta

«Manu Chao entouré d’Emir Kusturica, Maradona et, tout à droite, Madjid Fahem, de Radio Bemba» / BECAUSE MUSIC.

Quel est votre quartier ?
Barcelone, Rio, Ménilmontant… j’ai plusieurs quartiers dans lesquels j’ai envie ­d’être impliqué, alors ça prend du temps. Mon quartier, c’est là où je me sens chez moi. Aller chez Amadou et Mariam enregistrer un disque avec leur fils Sam à Bamako, c’est aussi un « bizz » de vie de quartier. Mon travail, c’est aussi ça : enregistrer la vie des ados de là-bas, qui se réunissent à six ou huit tous les soirs, dans la cour, pour jouer de la musique.

Est-ce la vie de quartier qui donnerait une cohérence à votre travail ?
Je ne cherche pas vraiment de cohérence d’ensemble. Même : quand ce que je fais commence à devenir trop cohérent, je m’emmerde. Les recettes, c’est pas bon. Beaucoup me disent : « Tiens, dans Radiolina, il y a moins de bruits de radio. » Ben oui, parce que quand j’ai commencé à mettre des petits bouts de radio dans l’album, je ne me surprenais plus. Quand tu sais ­d’avance que ça va marcher, que t’es trop sûr de toi, où est la prise de risque ? J’essaie juste ­d’être cohérent avec moi-même : si, quand je l’ai fait, ça m’a fait du bien, je ne cherche pas plus loin. Si tu commences à penser aux ­autres en créant, il y a tellement de gens différents, que pour leur faire du bien à tous, c’est la galère ! Maintenant, si ma petite médecine personnelle sert à ­d’autres, je suis le plus heureux des hommes !

L’objet disque, à quel moment s’impose-t-il ?
À un moment, c’est bien que ça sorte : j’ai plein d’amis à Barcelone qui s’amusent à faire des morceaux dans leur coin. Les disques durs se remplissent, mais la musique ne voyage pas beaucoup. Ils me font écouter des trucs que je leur conseille de sortir, même sur Internet. Mais il y a toujours ce syndrome du « Non, c’est pas fini ! ». Du coup, tout le monde a les disques durs blindés, et personne ne sort rien. D’où le disque que j’ai enregistré avec la Colifata [à Buenos Aires, avec les patients du principal hôpital psychiatrique de la ville, qui sont aussi les animateurs d’une radio, ndlr], et les disques de rue que nous avons faits à Barcelone : c’était pour vider les disques durs du quartier. Plutôt que de garder ses morceaux chacun pour soi à la maison, on a décidé de faire quelque chose d’utile : une compile servant aux musiciens de rue. Avant, tu te faisais ta cagnotte en deux heures dans les rues de Barcelone. Maintenant, au bout de vingt minutes, tu as la police sur le dos. Faut gagner de l’argent rapidement. C’est comme ça qu’est venue l’idée du disque. Ça a super bien marché. C’est une initiative de quartier dont on est tous très fiers. Il y a même eu une crise de croissance : les gens commençaient à réclamer le disque à Madrid ou en Galice, où il ­n’était pas distribué. Normal : il n’a jamais été distribué autrement que par les musiciens de rue. On a fait une réunion de quartier, et on a décidé de ne pas le distribuer ailleurs. Par contre, on a envoyé des musiciens de rue en Galice ou à Madrid pour expliquer ce que nous avions fait, pour qu’ils fassent pareil.

Vous avez dit que Radiolina serait votre dernier album…
C’est à peu près sûr : si j’attends six ans pour sortir le prochain, même le MP3 sera dépassé ! Bon, je pense sortir des trucs avant : j’ai un petit disque en portugais que je prévoie pour l’année prochaine, si tout va bien. Mais sinon, il faut utiliser tous les supports possible, même le vinyle !

Sur Internet, les morceaux s’écoutent à l’unité. Un CD, c’est une histoire, à partir de plusieurs chansons, cela vous gêne-t-il de perdre cet ensemble ?
Ce qu’on perd avant tout sur Internet, c’est la qualité : le MP3, ça écrase. Entre le vinyle et le CD, on a perdu un peu de son, mais entre le CD et le MP3, on en perd beaucoup plus ! C’est comme de passer d’un écran de cinéma à une télé. J’aime bien le format de la chanson. C’est vrai qu’un CD raconte une histoire, mais rien n’empêche d’en raconter de plus courtes. Les CD ont donné la possibilité de raconter des histoires sur 70 minutes. Maintenant, c’est la liberté absolue : trois heures ou dix minutes, celui qui écoute choisit et se fait sa propre histoire. Avec Internet, l’auditeur devient aussi créatif.

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«Lilian Thuram et Manu Chao à Barcelone» / RANGEL/AFP.

N’êtes-vous pas concerné par la crise du disque ?
Bien sûr que si ! C’est mon métier, je vis cette crise avec tout le monde. Tout est en train de changer… Les grosses boîtes se plaignent, en Espagne comme en France. Mais les délinquants, c’est la grosse industrie ! Qui matraque tout Paris avec des affiches invitant à acheter le matériel qui servira à pirater les artistes ? Dénoncer les pirates et se présenter en victime est, de la part des grands groupes, d’une hypocrisie terrible. Ca fait longtemps qu’ils préfèrent vendre du matériel de piratage plutôt que des disques. J’en subis les conséquences comme tout le monde, sauf que moi, je suis un artiste qui vend bien. Le problème, c’est pour les artistes qui vendent peu : celui qui vend 2 000 CD, si on lui en pirate 1 000, il est dans la merde. La solution, c’est la scène. Sauf que les gros de l’industrie essaient aujourd’hui de mettre la main sur le business des concerts. Des monopoles s’organisent…

Il vous est arrivé de parler d’une sorte de contrat de confiance entre le public et les artistes. Que vouliez-vous dire ?
C’est une utopie… L’idée serait que le public s’engage à acheter des disques et que l’artiste s’engage à annoncer, sur sa page Internet, par exemple, combien il vend et à quel moment il estime avoir été correctement payé pour son travail. Au-delà de ce seuil, il accepte de se faire pirater. Le problème, c’est : quel seuil ?

Vous essayez de fixer des seuils de votre côté concernant le tarif des places de concert, par exemple. Quelle liberté avez-vous ?
Ce que nous avons fixé pour la tournée en France, c’est pas plus de 30 euros. Sans se serrer la ceinture, attention : on est tous bien payés dans l’équipe avec ces tarifs. Ce qui veut dire que, quand c’est plus cher, c’est que du bénef’ ! L’inflation du prix des places est insupportable. La logique a basculé. Avant, on faisait des concerts à perte pour vendre des CD. Maintenant, on fait des CD à perte pour vendre des concerts.

Vous faites des concerts gratuits aussi. Comme pour Larzac 2003…
Ah oui, très beau souvenir… C’était super désorganisé, et en même temps plein de monde arrivait de partout pour filer un coup de main. Il y avait tellement de monde que cela aurait pu être dangereux. Mais tout s’est bien passé. Il y avait une belle énergie…

Vous preniez vos distances tout à l’heure avec la politique. Pourtant, vous êtes parfois présenté comme un « leader » altermondialiste…
D’une certaine façon, c’est le ministre de l’Intérieur de Berlusconi qui m’a poussé vers ça en me désignant publiquement comme interlocuteur au moment de l’anti-G8 à Gênes, en 2001. Après, l’image de leader altermondialiste m’a collé à la peau. Et fallait l’assumer dans les quartiers, les villages… où on était parfois persona non grata… Jusque dans mon quartier, où je suis respecté mais où on sait que je suis un rouge. Leader altermondialiste ? Mais ce mouvement est tellement large et ample qu’il ne peut pas y avoir de leader. Il ne faut pas, d’ailleurs ! Les médias ont besoin d’une gueule, parce qu’ils ne savent pas comment faire avec une foule. Mais ce n’est pas bon les leaders : rien de plus facile à manipuler.

Une autre image vous est associée, celle de grand frère…
Celle-là, je l’assume totalement ! J’ai 46 ans, je suis un grand frère au niveau global et dans mon quartier. Leader, je ne veux pas, mais grand frère, c’est un honneur ! J’ai été un petit frère, j’avais peur de l’avenir, de la mort, je faisais des conneries. Mes grands frères étaient surtout des voyous qui faisaient les pires trucs, mais ne voulaient pas qu’on les fasse. Je ne suis pas devenu un voyou. J’ai eu des grands frères. Maintenant, c’est mon tour.

Culture
Temps de lecture : 18 minutes
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