Le puzzle de l’écologie politique

Défenseurs de la décroissance, partisans du non au TCE, adeptes d’une écologie de transformation sociale, « rouges » écolos… On le sait, plusieurs tendances existent au sein des Verts. En voici un panorama.

Patrick Piro  et  Claude-Marie Vadrot  • 18 septembre 2008 abonné·es

Tenter d’établir un panorama de l’écologie politique « de gauche » suppose d’accepter sa propre subjectivité, mais aussi de donner des limites à ce répertoire de partis, de fractions de parti, de mouvements et de mouvances. Comme au Parti socialiste, les regroupements, les ­alliances et les rejets se font non seulement au nom des idées mais aussi des inimitiés personnelles et parfois même d’une histoire courte mais mouvementée.

Déjà, en 1974, année où fut tenté et raté le premier regroupement des écologistes politiques, il existait plusieurs tendances : les anarcho-écolos, les gaucho-écolos, les écologistes qui réclamaient un vrai parti, les écolos-centristes et les partisans du « ni gauche-ni droite » qu’Antoine Waechter, écologiste alsacien, théorisa jusqu’à sa défaite à la tête des Verts en 1994. Parti créé dans la douleur en 1984 sous le nom officiel de « Verts-Confédération écologiste, parti écologiste » : une appellation qui illustrait encore les divergences politiques et idéologiques ayant présidé à un enfantement d’une dizaine d’années, oscillant entre l’option « parti » et l’option « mouvement ».

Principales tendances chez les Verts, en 2008 : Espoir en actes, animée par Cécile Duflot, secrétaire nationale, défendant une sensibilité sociale et tenante d’une autonomie forte des Verts face aux socialistes ; Urgence écolo, où de nombreux environnementalistes se retrouvent autour d’Yves Cochet, et qui impose aujourd’hui le débat dans le parti autour de la « décroissance soutenable de l’empreinte écologique » ; et les amis de Dominique Voynet (elle-même en retrait du débat sur le « rassemblement Cohn-Bendit », qui la laisse dubitative), qui privilégient le dialogue avec le PS.
Gravitent, à distance plus ou moins respectable de ce noyau, plusieurs groupes et mouvements se réclamant d’une écologie politique plus ou moins radicale, c’est-à-dire « de gauche ».

Écologie populaire. Une tendance minoritaire des Verts, qui regroupe des partisans du « non » au traité constitutionnel européen (TCE). Elle considère que le parti court le risque d’une dérive libérale et qu’il a raté la plupart des défis ou des rendez-vous politiques de l’histoire récente, qu’il s’agisse du TCE ou de la révolte des banlieues. Elle souffre, au sein des Verts et pour sa lisibilité à l’extérieur, d’être divisée en trois courants liés à des personnalités qui s’opposent en s’unissant : Gilles Lemaire pour la fraction Altermondialiste, qui a participé à la campagne électorale de José Bové et aux actions de fauchage des OGM ; Martine Billard, députée et animatrice d’ Écologie solidaire , un club politique de réflexion plus qu’une fraction, qui veut regrouper les militants antilibéraux, alternatifs, environnementaux, altermondialistes, féministes et syndicalistes au nom d’un « autre développement » ; et Jean Desessard, sénateur de Paris, qui regroupe des Verts essentiellement intéressés par les mouvements sociaux, et présenté comme « à droite de la gauche des Verts ».

Alter Ekolo. Une nébuleuse, essentiellement animée par Francine Bavay, Verte. Pas de décompte des militants. Certains sont chez les Verts et d’autres n’en font pas ou plus partie. Il s’agit, pour ce mouvement, de se battre pour « une écologie de transformation sociale et démocratique », explique Francine Bavay. Il se situe résolument à gauche et s’est constitué contre la logique des partis, ce qui explique qu’il ne soit ni structuré ni hiérarchisé, dans la grande tradition des écolos libertaires, qui refusaient « chefs » et porte-parole.

Utopia. Une mouvance, également ancrée bien à gauche, qui s’est constituée – c’est une originalité – au sein du Parti socialiste et des Verts. Elle présente d’ailleurs une motion au prochain congrès des deux partis. Elle se réfère notamment aux écrits d’André Gorz. Difficile de préciser le nombre de ses militants, mais on peut remarquer que cette mouvance progresse plus au PS que chez les Verts. Elle se présente comme socialiste, altermondialiste et écologiste, et veut « construire un parti politique alternatif à gauche ».

Les Alternatifs. Nés il y a dix ans, issus de la gauche autogestionnaire et alternative (ce sont les « descendants » du PSU), ils regroupent des militants de l’ancienne Alternative rouge et verte (Arev) et de la Convention pour une alternative progressiste (Cap). Ils se définissent comme « rouges écolos », « verts sociaux », féministes, et revendiquent près de 500 adhérents. Ils amorcent aujourd’hui un rapprochement avec des Communistes unitaires en rupture définitive avec le PC et disposés à fonder une nouvelle force politique.

La mouvance Bové. Encore moins hiérarchisée que les Alter Ekolo, elle regroupe, de façon très informelle et en nombre difficile à quantifier, des Verts, des associatifs, des représentants de la société civile et des paysans. Tous unis par leur bataille victorieuse pour le « non » au TCE, ils préparent une plate-forme destinée à poser leurs conditions à un rassemblement sous la bannière des Verts et de Daniel Cohn-Bendit. Pour José Bové, ce rassemblement, traversé par des tendances très diverses, bien que clairement positionné à gauche, représente ­ « l’écologie du mouvement social » . Cette mouvance est proche du mouvement altermondialiste.

Le Parti pour la décroissance (PPLD). Ce jeune parti, basé à Lyon, regrouperait quelques centaines de militants plutôt ancrés à gauche. Il poursuit « un combat humaniste qui vise à refuser de voir l’humain réduit à ses fonctions économiques » . Il a présenté quelques candidats « de témoignage » aux législatives et aux municipales, et réfléchit avec les Objecteurs de croissance, mouvement qui se reconnaît dans l’écologie radicale tout en se défiant des partis politiques.

Fondation Nicolas-Hulot. Impossible de classer cette fondation (apolitique par ses statuts) sur l’échiquier politique. Le chef de file de ce mouvement, qui revendique 850 000 signatures à son « défi pour la planète », avait notoirement l’oreille de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, mais il ne s’est jamais engagé à leurs côtés. Il commence d’ailleurs à reconnaître à voix haute la responsabilité du libéralisme dans la crise écologique.

Pour mémoire, on citera à droite, au côté de ce qui reste de Planète bleue, de Génération écologie et du Mouvement écologiste indépendant , le parti Cap 21 de Corinne Lepage, associé au Modem de François Bayrou. L’ancienne ministre ambitionne de créer un large parti « du développement durable » – une écologie soluble dans un libéralisme économique bridé mais assumé.

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