Le retour du chômage

Liêm Hoang-Ngoc  • 20 novembre 2008 abonné·es

La France et l’Europe sont entrées en récession au deuxième trimestre 2008, bien avant que les effets de la crise des subprimes ne se fassent sentir, en septembre. En France, la croissance en 2008 sera de 0,9 %, alors que l’hypothèse retenue pour construire le budget était de 2,25 %. Pour 2009, le FMI et le gouvernement ont révisé à la baise leurs prévisions (anticipant respectivement – 0,5 et + 0,2 %). Les déficits publics se creuseront donc au-delà des critères autorisés par le pacte de stabilité, car moins de croissance engendre moins de recettes fiscales. Compte tenu du bouclier fiscal, s’il faut augmenter les prélèvements, le remboursement des intérêts de la dette pèsera donc sur les classes moyennes et modestes. Ces dernières sont de surcroît déjà exposées à la remontée du chômage. Le stock d’emplois disponibles décroît en effet mécaniquement lorsque la croissance est inférieure à 1,5 %.

Depuis 2002, la croissance annuelle moyenne oscille autour de 2 %. Le chômage a baissé depuis le papy-boom de 2005, en raison de la décrue de la population active. La recrudescence du chômage, observée depuis août 2008 est donc particulièrement inquiétante (+ 50 000 chômeurs en deux mois). En l’absence de reprise, elle s’aggravera en 2009, quand l’économie va détruire des emplois. Le gouvernement en a pris conscience. Toutes les incitations à la reprise de travail du type RSA, ou les mesures durcissant les conditions d’indemnisation du chômage en cas de refus « d’emplois valables » s’avèrent vaines dès lors que le nombre d’emplois disponibles diminue, d’autant que les dispositifs d’incitation en question visaient des publics réputés faiblement employables.
On comprend mieux pourquoi Nicolas Sarkozy a communiqué la semaine dernière sur la création de 100 000 contrats aidés supplémentaires, destinés en premier lieu au public bénéficiaire du RSA, pour faire face à la résurgence du chômage : des contrats d’avenir et des contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE). Cette déclaration a fait jaser ceux qui, à droite, considèrent les emplois aidés dans le secteur non-marchand comme de quasi-emplois publics. Or, la droite s’est engagée dans la « revue générale des politiques publiques » à supprimer au moins 30 000 emplois publics par an. Ces emplois aidés ne sont pourtant que des postes précaires.
Les contrats d’avenir et les CAE sont destinés aux allocataires de minima sociaux et aux chômeurs les moins employables. Ils sont pour la plupart à temps partiel, d’une durée moyenne de huit mois. La part des bénéficiaires qui accèdent à l’emploi stable est de 16 % pour les contrats d’avenir et de 24 % pour les CAE. 250 millions d’euros sont affectés à ces emplois, soit l’équivalent de la suppression de 15 000 postes de fonctionnaires, à mettre en balance avec les 14 milliards du paquet fiscal et les 10,5 milliards qui ont servi il y a peu à recapitaliser les banques sans contrepartie.

Ces mesures ne sont en aucun cas novatrices. Elles permettront tout au plus au gouvernement d’afficher un taux de chômage stabilisé en attendant que la conjoncture s’améliore miraculeusement. Les 100 000 emplois aidés bénéficieront grossièrement au nombre de bénéficiaires du RSA annoncés par Martin Hirsch, soit moins de 10 % des 1 100 000 RMIstes. Les vrais pauvres resteront exclus de ces dispositifs. Les travailleurs dans leur ensemble subiront les affres de la récession en termes de pertes d’emplois et de pression à la baisse sur les salaires.
C’est un véritable New Deal qu’impose la crise économique et écologique actuelle. Il pourrait s’ordonner autour du chantier des énergies renouvelables. Les deux moteurs de la croissance, l’investissement et la consommation, en panne sèche, doivent être rallumés. Premièrement, la recapitalisation des banques devrait être l’occasion de redéfinir le périmètre d’un pôle public financier stable et solide dans le cadre d’une nouvelle politique industrielle de nature à relancer l’investissement. Il est à cet égard nécessaire de dresser un bilan de la déréglementation bancaire et des quatre vagues de privatisation de nos entreprises stratégiques. Malheureusement, ce gouvernement, qui a fait de la rupture avec l’exception française son cheval de bataille, se contente, malgré sa communication autour du « retour de l’État », de socialiser les pertes de jeux des banques qui ont flambé l’argent des épargnants au casino de la Bourse.
Deuxièmement, le paquet fiscal, justifié par le gouvernement comme instrument de relance de la consommation, est inapte à poursuivre cet objectif car il distribue en grande partie du revenu aux classes riches, dont la propension à consommer est faible. La crise du pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires est la véritable cause du retournement de la consommation du trimestre dernier. Elle ne sera pas enrayée sans grand soir fiscal et sans une rupture avec la rigueur salariale qui continue de sévir.

  • Maître de conférences à l’université de Paris-I.

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