Rien n’oblige à privatiser

Ni les lois européennes ni l’état des finances n’imposent de modification du statut de La Poste.

Thierry Brun  • 20 novembre 2008 abonné·es

« Pouvoir jouer à armes égales avec ses concurrents en France comme à l’étranger » , c’est l’argument massue avancé par le président du groupe La Poste, Jean-Paul Bailly, pour justifier la transformation de l’entreprise publique en « société anonyme en vue d’une augmentation de capital » . « La Poste ne dispose pas aujourd’hui des moyens de financement dont disposent ses concurrents, dont la quasi-totalité opèrent sous statut de société commerciale » , souligne aussi Jean-Paul Bailly, sans se recommander des législations européennes transposées dans le droit français pour justifier le changement de statut et l’ouverture du capital de l’opérateur public. En effet, ni les traités européens ni les institutions européennes n’imposent une modification du statut de La Poste, qui est un établissement public industriel et commercial (Epic). Aujourd’hui, ­seules les postes de Finlande, de Suède, du Royaume-Uni et d’Allemagne ont abandonné leur statut. Certes, la Commission européenne, dans ses études sur la libéralisation du marché postal, incite à la privatisation des entreprises publiques. Mais seule l’ouverture du marché postal est réglementée dans les directives de 1997, 2002 et 2008, cette dernière directive imposant l’ouverture complète à la concurrence au 1er janvier 2011. Le changement de statut n’est pas plus abordé dans le contrat de service public entre La Poste et l’État 2008-2012.

D’où l’obligation pour Jean-Paul Bailly de mettre en avant le manque de moyens de financement de l’opérateur public, un argument d’une grande faiblesse. Les résultats du premier semestre 2008 ont révélé un résultat net de plus de 480 millions d’euros, « nettement excédentaires, une performance dans un contexte économique particulièrement difficile » , a relevé SUD-PTT. Parallèlement, la dette est réduite de plus de 450 millions d’euros lors de ce premier semestre, soit une baisse de 7,6 %. Elle s’établit aujourd’hui à moins de 5,5 milliards d’euros contre près de 5,9 milliards au 31 décembre 2007. Et le statut public ne constitue pas un obstacle au développement de La Poste. « La Poste, forte de ses 102 filiales, a acheté Exapaq pour 430 millions d’euros, Orsid pour 19 millions d’euros, vendu Europe Airpost pour 45 millions d’euros, créé le réseau DPD en Allemagne, mis sur pied un partenariat avec la SNCF pour le transport du courrier sur les lignes TGV (Fret GV), pris pied en Espagne avec Seur, en Grèce avec Interatika, en Turquie avec Yurtici Cargo, au Royaume-Uni avec Parceline, en Afrique du Sud avec Laser, en Europe de l’Est, en Inde » , énumère FO Communication, qui ajoute que « par sa politique de rachat, ses échanges capitalistiques et ses différents partenariats, La Poste est présente en Océanie, en Amérique du Sud, aux États-Unis, en Afrique et naturellement en Europe ». La privatisation serait donc une belle opération pour les futurs actionnaires.

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