La bataille des chiffres

Le 31 décembre, les adhésions au Nouveau Parti anticapitaliste seront terminées. Mais le nombre de militants n’est pour le moment pas à la hauteur des ambitions affichées.

Jean-Baptiste Quiot  • 24 décembre 2008 abonné·es

La clôture des adhésions au futur Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) est imminente. Les sympathisants ont jusqu’au 31 décembre s’ils veulent participer au congrès fondateur du parti qui aura lieu les 29, 30 janvier et 1er février prochains. Les réunions des comités du NPA connaissent un véritable succès en termes d’affluence. Mais, à quelques jours de la date butoir, le nombre d’adhésions effectives n’est pas à la hauteur de l’ambition du début de créer un parti de masse. Alors que s’est-il passé ?

Lors de la première coordination nationale des comités des 28 et 29 juin, Alain Krivine s’enthousiasme sur un potentiel de 10 000 militants. C’est le triple des effectifs de la LCR, qui en compte 3 000. Mais, au vu du nombre important de personnes qui rejoignent les comités, l’objectif semble atteignable. Ce chiffre est confirmé après l’été. Les cartes de « membres fondateurs » sont en effet distribuées à partir du 14 septembre. Rapidement, les comités locaux en commandent près de 10 000 pour répondre à une demande importante.
Au bout d’un mois, cependant, l’enregistrement des adhésions est faible. D’après le compte rendu de la réunion du Comité ­d’animation nationale provisoire du NPA (CAN) des 11 et 12 octobre, « seulement 373 adhésions sont remontées » . L’écart entre les demandes et les adhésions est impressionnant. Un sentiment d’urgence commence à gagner le CAN. Il faut « faire remonter le plus vite possible les adhésions effectives pour deux raisons, explique le compte rendu, le manque de fonds pour les activités à venir et le besoin de faire un bilan d’étape sur l’avancée du processus » . La bataille pour les chiffres a commencé.

Il y a une autre raison à cette urgence. Le NPA continue en effet de communiquer sur un objectif beaucoup plus important que ce que pourraient laisser envisager les ­faibles chiffres. Lors de la coordination nationale des comités des 8 et 9 novembre, ce sont les 10 000, voire les 11 000 cartes commandées par les comités qui sont mises en avant.
Début décembre, alors que les adhésions sont ouvertes depuis deux mois et demi, on ne compte pourtant que 3 000 cartes de membres effectives. Heureusement, le miracle arrive. En l’espace d’une semaine, le chiffre monte à 4 500, selon le CAN, qui se réunit à huis clos les 6 et 7 décembre. Un compte rendu officieux de cette réunion, qui circule par e-mail, fait tout de même état de l’inquiétude des délégués du CAN. Pierre, du comité Paris-XXe, y estime que « l’objectif des 10 000 [soit la réalité LCR multipliée par 3] n’est pas atteignable. Donc, il faut arrêter de communiquer sur les 10 000 ».
Toujours selon ce compte rendu, Olivier Besancenot aurait déclaré : « Nous sommes victimes de l’effet d’annonce de départ, dont s’est saisie la presse. Il faut songer à une carte sympathisant. Il y aura une flopée de cartes après le congrès, qui sera médiatisé. Il faut donc anticiper et mettre la pression. En dessous de 7 000 cartes, c’est un problème, mais savoir si on s’est planté ou pas, on en discutera plus tard. » Avec 7 000 cartes, l’objectif en interne est revu à la baisse. Il reste toutefois ambitieux. Ce n’est plus le triple de la LCR mais le double qui est visé.

« Nous en sommes actuellement à 5 200 adhésions » , révèle Sandra Demarck, du CAN, une dizaine de jours après la réunion des 6 et 7 décembre. Alors que le 31 dé­cembre approche, Pierre-François Grond, le bras droit d’Olivier Besancenot, reste confiant : « Il n’y a pas le feu au lac. Nous comptons à présent 1 000 cartes chaque semaine. C’est un peu plus lent que prévu et moins important que ce que nous espérions en juin. Mais il n’y a pas de seuil à atteindre. Néanmoins, nous n’avons pas de souci sur l’objectif de 7 000. Les 10 000, je pense que nous les dépasserons au lendemain du congrès. »
Prudent, le CAN a néanmoins décidé de repousser au 15 janvier la limite pour faire remonter les adhésions des comités, même si, de fait, la clôture des adhésions individuelles reste le 31 décembre. En somme, mais sans le dire, il sera possible d’adhérer jusqu’au 15 janvier.

Faut-il en conclure que le NPA attire moins que prévu ? « Il y a un bordel organisationnel. La LCR n’a pas cette tradition de la carte. Et les nouveaux venus encore moins. Je pense que la plupart des adhésions seront envoyées au dernier moment. Nous savons aussi que les gens attendent que le parti soit né pour adhérer » , confie Sandra Demarck.
Pour Leila Chaibi, du CAN, c’est une question de choix politique : « Nous ne voulons pas faire des “adhésions au clic” sur Internet, comme le PS, qui veut faire du ­chiffre. Nous voulons un parti de militants et non d’adhérents. » Pierre-François Grond explique quant à lui que « les ambitions ont été revues à la baisse à cause des problèmes de pouvoir d’achat ».
Pourtant, le prix de l’adhésion est relativement peu élevé puisqu’il est calculé en fonction des revenus, et va de 10 euros à 100 euros pour une année entière. Peut-être n’est-il pas aussi évident, pour les jeunes que souhaite attirer le NPA, de passer de la sympathie à l’engagement politique.

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