Rire de résistance

Jean-Claude Renard  • 18 juin 2009 abonné·es

Politis : Humour
et politique font-ils bon ménage ?

Jean-Michel Ribes : Plutôt des scènes de ménage ! Le problème est que, certaines fois, des hommes politiques sont drôles et que des humoristes ne le sont pas. La politique engendre toujours des opposants dotés d’un certain humour, avec des gens, comme Bedos, qui sont des créateurs. L’acte le plus fort pour résister à la politique, c’est la fantaisie. Qui donne la possibilité aux gens de s’évader et demeure la réplique la plus forte contre la politique, dictatoriale, qui formate. Parce que la fantaisie est inattrapable. Le côté gouvernement emmerdement me semble un petit jeu, forcément, à un moment donné, inodore et sans effet. Ce n’est pas une question de différence entre l’humour, le comique et la cocasserie. Ce sont les hommes qui comptent. Il y a des génies partout, et des médiocres partout. Dario Fo est un immense comique, mais il a dézingué la politique en Italie avec ses clowneries. Le talent reste la chose la plus importante, voire le génie.

Existe-t-il des sujets sur lesquels on ne peut pas rire ?

Desproges a déjà répondu. Il me semble que le grand rire, celui qui est inventif et créatif, peut s’attaquer à tout. C’est le rire médiocre et la petite blague nauséabonde qui sont inopérants ou scandaleux dans le mauvais sens du terme.

En 2008, vous avez intitulé une programmation « le rire de résistance ». Dans quel sens ?

Il s’agissait de dire que le rire n’est pas unique. À côté du rire de collabo, lèche-cul, la cheville attachée au trône du roi, il existe un rire de résistance, fait d’impertinence et d’insolence, qui permet de résister à tous les formatages, à tous les pouvoirs. C’est valable pour Diogène, qui dit «  Ôte-toi de mon soleil » à l’homme le plus puissant alors?; pour Rabelais, au cœur du Moyen Âge, inventant l’abbaye de Thélème ; pour Voltaire et l’affaire Calas ; ou encore Jarry décrivant les monstres dictateurs à travers Ubu , annonçant ceux du XXe siècle. Tous ont résisté à cet esprit de sérieux qui finit par boucher les idées, un cholestérol qui nous étouffe. Ce n’est pas un hasard si Staline, terrorisé par les humoristes, a déclaré qu’ « un pays vraiment heureux n’a pas besoin d’humour » . De Swift à Queneau, personne n’a fait sauter un gouvernement. Mais cela permet de respirer, de vivre.

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