Révolution japonaise

Le triomphe du Parti démocrate marque une rupture avec le credo libéral ancré dans la culture du pays.

Alain Lormon  • 3 septembre 2009 abonné·es
Révolution japonaise

On a les révolutions qu’on peut. En dépit d’une transformation radicale de son paysage politique, le Japon n’a pas sombré dimanche dans le communisme. Aucun Besancenot nippon n’est arrivé au pouvoir. Le grand vainqueur du scrutin, Yukio Hatoyama, serait plutôt une sorte de Strauss-Kahn ou de Bayrou local qui s’est empressé de rejeter « le fondamentalisme du marché ». Mais, tout étant relatif, le triomphe électoral du Parti démocrate du Japon (il a remporté 308 sièges sur 480 à la Chambre des députés), après cinquante-quatre années d’hégémonie du Parti libéral-démocrate (PLD, droite), traduit un spectaculaire glissement à gauche d’un pays qui a longtemps pratiqué jusque dans ces pires excès un libéralisme sauvage. En particulier au cours de la période 2001-2006 lorsque le Premier ministre de l’époque, Junichiro Koizumi, a généralisé le travail précaire et en partie détruit la protection sociale. Le scrutin de dimanche est davantage la conséquence d’un rejet de cette politique ultralibérale, trop souvent qualifiée par nos économistes de « miracle japonais », que de l’adhésion à la politique de cet héritier richissime du fondateur du fabricant de pneus Bridgestone, et qui est lui-même un transfuge du PLD, quitté en 1993.

Surfant sur ce rejet, Yukio Hatoyama, a fait une campagne délibérément sociale. Parmi ses promesses, une augmentation du salaire minimum jusqu’à mille yens à l’heure (7,40 euros), la création d’une allocation de cent mille yens (740 euros) par mois pour les sans-emploi ayant épuisé leurs droits au chômage et suivant une formation, l’interdiction de l’intérim dans les usines.

Il a également promis une série d’aides aux familles, la gratuité de l’enseignement secondaire et la création d’une « retraite minimum garantie » de 70 000 yens par mois (520 euros), ainsi qu’une réduction des impôts pour les retraités. S’agissant de l’environnement, Yukio Hatoyama s’est engagé à réduire de 25 % les émissions de gaz à effet de serre du Japon d’ici à 2020, mais en prenant comme point de départ 1990. Sur le plan politique, il a également affirmé vouloir interdire les dons des entreprises aux partis politiques. Ce qui, si ce dernier point était appliqué, pourrait mettre fin à un système de lobbying et de corruption endémique au Japon. Mais ces promesses laissent beaucoup d’observateurs sceptiques. Elles correspondent sans aucun doute à une volonté profonde de la population. Il n’est pas du tout sûr cependant que le futur Premier ministre puisse le ­mettre en œuvre. À supposer qu’il le veuille, la pression des marchés pourrait rapidement lui rappeler que le coût total de ses promesses s’élève à 127 milliards d’euros par an.

Le discours de Yukio Hatoyama comportait aussi un important volet international. Il a notamment promis une plus grande autonomie du Japon vis-à-vis des États-Unis, et la réduction du nombre de bases et de soldats américains dans l’archipel. Et un resserrement des relations avec la Chine. Un autre aspect de cette véritable « révolution japonaise » quand on connaît l’allégeance stratégique et diplomatique du Japon à Washington depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et ses difficiles rapports avec Pékin.

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