Tassez-vous, les bébés !

Le « décret Morano » menace la qualité de l’accueil en crèche. Le secteur se mobilise.

Ingrid Merckx  • 6 mai 2010 abonné·es

«Le texte n’est pas définitif » , assure le cabinet de Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la Famille. Aucune date de parution n’est prévue. Pourtant, depuis un an, le secteur de la petite enfance se mobilise contre le « décret Morano ». Une grève générale se tient ce 6 mai et une autre est annoncée pour le 29. « La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a rendu un avis favorable » , fait valoir le gouvernement. « Sans préciser que le vote du conseil d’administration, le 2 février, était ambigu, objecte Jacqueline Farache, administratrice CGT de la Cnaf. Seules deux personnes qualifiées, l’Unaf, la CFTC et les organisations patronales ont voté pour. » Le Haut Conseil des professions paramédicales, réuni le 28 avril, a reporté l’examen du texte, qui divise.

Son principe général, c’est « d’optimiser » l’accueil en crèche en augmentant les capacités des établissements et en réduisant la part de personnel très qualifié. Une logique comptable qui ne tient pas compte des besoins. D’après le gouvernement, le taux d’encadrement, qui prévoit un adulte pour cinq enfants qui ne marchent pas et un pour huit enfants qui marchent, resterait inchangé. « Formellement exact » , rétorque le collectif Pas de bébé à la consigne, qui réunit une cinquantaine d’organisations, mais inexact dans les faits : il existe déjà une possibilité d’accueil en surnombre, fixé à 110 % de la capacité d’accueil – c’est le cas à Paris. Ce qui permet de « jouer » avec les horaires et jours de présence des enfants et du personnel. « En portant le surnombre à 115 % ou 120 % pour les structures de plus de 20 places, le nouveau décret aggraverait les difficultés vécues par les équipes. »

Le gouvernement prétend aussi valoriser les CAP petite enfance et les BEP sanitaire et social en baissant le taux des professionnels les plus qualifiés de 50 % à 40 %. « Déqualification », selon le collectif, qui estime que cela va priver les CAP et les BEP de perspectives de promotion sans augmenter le ­nombre de puéricultrices, d’auxiliaires de puériculture et d’éducateurs de jeunes enfants, alors qu’il en faudrait 10 000 de plus dans les trois ans.
Enfin, le gouvernement annonce la création de 100 000 places d’accueil collectif d’ici à 2012 et un budget alloué de 1,3 milliard d’euros. « Mais les besoins sont évalués à 400 000 places ! » , proteste le collectif, qui signale que le contrat d’objectifs 2009-2012 de la Cnaf ne mentionne que 30 000 créations de places et un provisionnement de 330 millions d’euros. Effets d’annonce ou désinformation ? « La méthode consiste à contourner les taux officiels et à justifier les “assouplissements” » , résume le collectif. Le gouvernement entend donc « tasser » les enfants dans les structures existantes. Et favo­riser l’émergence de structures à moindre coût : le décret prévoit d’expérimenter des jardins d’éveil pour les 2-3 ans, avec un adulte pour 12 enfants, et un projet de loi récent propose des regroupements a minima d’assistantes maternelles. Les communes pourront toujours choisir de ne pas appliquer le décret, mais cette solution est coûteuse et non pérenne. « Paris s’y engage » , assure Christophe Najdovski, adjoint petite enfance de Bertrand Delanoë. Puisse la capitale « montrer l’exemple ». Reste aussi un espoir que le décret ne sorte pas. Ou pas en l’état.

Société
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