Israël colonise toujours

Désavoué au plan international et connaissant une crise sans précédent avec les États-Unis, Israël n’en poursuit pas moins sa politique coloniale à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.

Denis Sieffert  • 1 juillet 2010 abonné·es

il est bien tôt pour affirmer que les Gazaouis ressentent dans leur vie quotidienne les effets du desserrement annoncé du blocus par Israël. À supposer que cela soit le cas dans un proche avenir. On se souvient qu’à la suite de la désastreuse opération de ses commandos contre une flottille humanitaire, le 31 mai dernier, et de la vague de protestations qui s’ensuivit, le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, avait annoncé la levée de l’embargo sur les biens à usage civil. Espérons que cette déclaration ne va pas se transformer en une de ces opérations de communication dont Israël a le secret. On peut le craindre cependant lorsque le ministre d’extrême droite des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, invite ses collègues européens à se rendre à Gaza pour y constater la situation.

Même Bernard Kouchner est méfiant. Il disait attendre de connaître les conditions dans lesquelles cette visite aurait lieu. « Pour le moment, a déclaré lundi le ministre français, on ne nous a donné ni la date, ni ceux qui seraient invités, ni comment nous nous y rendrions, ni comment ça se passerait. » On voit bien le piège dans lequel les Européens se sont eux-mêmes enfermés. À ne pas vouloir de contacts officiels avec le Hamas, ils sont dépendants d’un voyage « organisé » par les autorités israéliennes.

La pression diplomatique continue cependant à s’exercer. Le G8, réuni le 26 juin à Huntsville (Canada), a demandé « instamment à toutes les parties de travailler ensemble pour mettre en œuvre la résolution 1860 du Conseil de sécurité des Nations unies et pour assurer l’aide humanitaire et la circulation des biens commerciaux et des personnes, en provenance et à destination de Gaza ». Au-delà de l’hypocrite formule qui consiste à demander « à toutes les parties » ce qui dépend uniquement du bon vouloir d’Israël, ce communiqué des grandes puissances marque un incontestable tournant. L’ambassadeur d’Israël à Washington, cité par Haaretz , a même parlé de « véritable faille tectonique » dans les relations entre l’État hébreu et les États-Unis. Pour Michael Oren, « les deux continents s’éloignent l’un de l’autre ». Sale ambiance, avant la visite de Benyamin Netanyahou, le 6 juillet, à la Maison Blanche ! De son côté, la Turquie, alliée traditionnelle des États-Unis et d’Israël, confirme une véritable volte-face diplomatique. Nouvelle manifestation de ce net infléchissement : Ankara a fait savoir lundi qu’il avait décidé d’interdire son espace aérien à des avions militaires israéliens. Début juin, la Turquie avait déjà annulé des manœuvres aériennes conjointes avec Israël. Si l’on peut ­s’attendre de la part d’Israël à un changement de ton dans son mode de communication, on ne peut guère espérer, hélas, un tournant sur le fond. Pour preuve, la résolution adoptée à l’unanimité, le 24 juin, par les instances dirigeantes du parti du Premier ministre, le Likoud, qui approuve « la poursuite de construction et du développement en Judée-Samarie [la Cisjordanie, selon la terminologie biblique utilisée par Israël] ». Sous la pression américaine, le gouvernement avait décidé en novembre « le gel de la colonisation pour dix mois ». Comme on le voit, Israël peut faire des concessions de pure forme, mais ne renonce pas à sa politique coloniale à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Gaza, déclarée « entité hostile » , et le Hamas jouant dans la stratégie israélienne le rôle d’épouvantail qui interdit toute reprise de négociation sur le statut final. D’un côté, toute négociation est bloquée ; de l’autre, on continue de coloniser. Le discrédit dont souffre Israël dans la communauté internationale n’entrave pas pour l’instant sa politique.

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