Des hébergements, d’urgence !

Un collectif d’associations dénonce les promesses non tenues en termes de lutte contre le mal-logement. Les programmes d’hébergement accompagné, notamment, peinent à se mettre en place.

Noëlle Guillon  • 11 novembre 2010 abonné·es
Des hébergements, d’urgence !
© Photo : Noëlle Guillon

Les tentes n’ont pas tenu longtemps sur le pont des Arts. Elles étaient trente et une ce 5 novembre à midi, en plein Paris. Une pour chaque membre du Collectif des associations unies contre le mal-logement, venu monter un « campement institutionnel » pour « hausser le ton » . Le soir même, à 20 h 30, ils étaient délogés par les CRS. « Plus personne à la rue en 2010 ! », avait promis Nicolas Sarkozy en 2007. François Fillon déclarant dans la foulée le logement « chantier national prioritaire » . « Promesses non tenues ! » , s’insurge aujourd’hui le collectif, qui dénonce 10 millions de personnes touchées par la crise du logement, dont 3,5 millions sans logement ou mal logées. Quant au budget hébergement, il devait augmenter de 8 %, il va baisser de 2 % en 2001 ! « Nous sommes seuls. Benoist Apparu est seul, alertait Christophe Robert, de la Fondation Abbé-Pierre. C’est pourquoi on s’adresse directement au Président… » « Essayez plutôt François Fillon » , soufflait le député UMP Étienne Pinte, venu faire un tour sur le pont. Engagé sur ces questions depuis des années, il glissait même qu’il passerait la nuit là, « s’il fallait »


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Dans le puits du dossier logement, le volet hébergement fait pourtant figure d’échelle de secours pour chaque ministre ou secrétaire d’État en charge du secteur. Benoist Apparu n’a pas dérogé à la règle en proclamant dès l’automne 2009 un plan de « refondation ». Sauf que, un an après la mise en place du « Service public de l’hébergement et de l’accès au logement », les associations se cassent les dents. Le plan prévoyait la création de 67 000 places et l’installation dans chaque département d’un service intégré de l’accueil et de l’orientation (Siao). « Une structure permettant un diagnostic partagé » , explique Nicole Maestracci, présidente de la Fnars. Et dont la fonction serait de trouver pour chaque demandeur la solution la plus pérenne. Un tel organe centralisé fait naître des doutes. « On va nous déposer des familles sur le pas de la porte. Mais quel sera le lien de confiance établi ? » , s’inquiète Véronique Davienne, d’ATD Quart Monde. Surtout, ce maillage Siao devait être opérationnel avant le 15 septembre, et ne fonctionne toujours pas.

L’action des Don Quichotte sur le canal Saint-Martin, il y a quatre ans, a eu des effets positifs. « Avant, on faisait de la mise à l’abri, avec des places sur des lits de camp. Le mouvement a mis tout le monde d’accord sur l’idée qu’il fallait sortir de ce syndrome de la porte tournante » , rappelle Nicole Maestracci. La notion de stabilisation a été développée, avec l’accent mis sur les maisons-relais, à mi-chemin entre hébergement et logement. En janvier 2007, le mouvement a même vu naître un Plan d’action renforcé pour les sans-abri (Parsa). Exemple d’une démarche de stabilisation : le centre de promotion familial, social et culturel d’ATD Quart Monde à Noisy-le-Grand. Une sorte de « village dans la ville » avec des familles hébergées sans limite de temps, des voisins « ordinaires » et des actions sociales et éducatives. « 80 % des familles sont accompagnées jusqu’au logement social de droit commun » , se félicite Véronique Davienne. L’hébergement comme tremplin vers le logement ? Tout le monde n’y croit pas. Comme Pascal Noblet, auteur de Pourquoi les SDF restent dans la rue [^2] : « Pour environ 50 000 à 100 000 personnes sur quelque 3 millions en situation critique, le logement est une marche trop haute. »

Pour les « grands exclus » , la priorité doit être donnée à l’accompagnement ainsi qu’au développement et à la diversification des dispositifs d’hébergement. « La difficulté consiste à articuler besoins individuels et fonctionnement collectif, mais des solutions existent. En Allemagne, on trouve des hébergements semi-collectifs, de petites structures de vingt personnes intégrées dans chaque municipalité » , explique Xavier Vandromme, d’Emmaüs. En France, la création de places de stabilisation et de maisons-relais reste bien en deçà de ce qui était prévu par le Parsa et ne s’est pas, ou si peu, fait en concertation avec les autres types d’hébergement. « Conséquence , déplore Hector Cardoso, du Secours catholique, la métamorphose de dortoirs en chambres doubles ou simples se traduit par une réduction du nombre de places. » Et, pour compenser, on ouvre des places provisoires dans des gymnases l’hiver…

[^2]: Éd. de l’Aube, 208 p., 21 euros.

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