Ventes liées : le status quo

Christine Tréguier  • 13 octobre 2011 abonné·es

Cela fait des années que les associations de consommateurs et de défense du logiciel libre demandent l’interdiction de la vente liée ordinateur/logiciels. Autrement dit, ils réclament le libre choix du système d’exploitation (OS Windows ou Linux) et remboursement en cas de Windows pré-installé. Face à leur insistance, le Plan numérique pour 2012 ficelé en 2008 par Éric Besson, alors secrétaire d’État à l’Économie numérique, avait concédé quelques avancées. Les distributeurs devaient rembourser l’OS non utilisé, et un groupe de travail devait plancher sur «  la vente découplée de l’ordinateur et de son logiciel d’exploitation   » . Trois ans ont passé. Dans les faits, les distributeurs n’affichent que rarement le prix des logiciels et se contentent de verser, sous conditions, une indemnité forfaitaire. Mieux vaut passer par une procédure judiciaire pour être vraiment remboursé. Une bonne trentaine ont été déposées et ont été systématiquement gagnées. Mais la vente découplée, elle, est passée aux oubliettes.

Le sujet aurait dû tout naturellement trouver sa place dans le projet de loi « renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs ». Mais rien dans le texte initial. Trois amendements ont donc été déposés fin septembre : le 181 et le 308, demandant que la vente d’un ordinateur et de son OS soit découplée, et le 432, proposant «  la faculté ou non de renoncer, après achat, à la licence de ce logiciel » et un remboursement éventuel. Pour l’Association francophone des utilisateurs de logiciels libres (Aful), ce dernier amendement est dangereux car il « autoris[e] explicitement les professionnels à ne pas proposer au consommateur la faculté de renoncer aux licences logicielles ». Au terme de la discussion à l’Assemblée le 4 octobre, l’amendement 181 a été rejeté. Le rapporteur et le gouvernement estimant, d’une part, qu’il serait contraire au droit européen, et d’autre part, que la vente découplée serait un handicap pour « les Français qui ne sont pas capables d’installer un logiciel sur leur ordinateur ». Les deux autres ont finalement été retirés. Un jugement de la Cour de cassation opposant l’UFC Que choisir à Darty étant attendu, ils seront réécrits et présentés lors de la seconde lecture.

Deux jours plus tard, l’arrêt de cassation donne raison à l’UFC, affirmant que «   les informations [concernant] logiciels ** d’exploitation et d’application sont de celles que le vendeur professionnel ** doit au consommateur moyen pour lui permettre de prendre une décision en ** connaissance de cause  ». C’est la seconde victoire de l’association dans une telle affaire de vente liée. En mai 2011, la cour d’appel de Versailles avait condamné Hewlett Packard à afficher le prix des logiciels et à mettre en place une procédure de renonciation à leur achat, avec réduction du prix correspondant.

Les associations demandent donc aux législateurs de faire comme les juges : faire respecter la loi. On verra bientôt si un Sénat de gauche est plus à l’écoute et décide enfin de laisser les consommateurs libres de leur choix.

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