À contre-courant / Un accord pour que rien ne change

Jean-Marie Harribey  • 4 novembre 2011 abonné·es

Obligés de parer au plus pressé devant la crise, les gouvernements des pays membres de la zone euro, la BCE et le FMI ont concocté depuis l’an dernier plusieurs plans de sauvetage de la Grèce, mais assortis d’une austérité qui a aggravé la récession (-4,5 % de PIB en 2011). Plus la dette grecque grossit (120 % du PIB en mai 2010, 160 % aujourd’hui), plus la capacité de l’État à l’honorer s’affaiblit. Les taux d’intérêt exigés s’envolent alors, aggravant le problème, qui lui-même fait grimper le cours des credit default swaps (CDS), des contrats d’assurance dont se gavent les spéculateurs sans posséder les obligations publiques concernées.

Fervent défenseur de l’orthodoxie monétaire, Jean-Claude Trichet a été contraint de racheter pour des dizaines de milliards d’euros des obligations des États en difficulté. Mais ces rachats se sont faits en direction des banques privées, qui ont pu ainsi se défausser de leurs créances douteuses auprès de la BCE.

L’accord intervenu dans la nuit du 26 au 27 octobre entre les pays membres de la zone euro est en trompe-l’œil. Il a fallu deux ans de privations imposées à la Grèce pour se résoudre à effacer 50 % de sa dette. Les banques ont donc dû céder l’équivalent de 100 milliards d’euros et accepter une baisse des taux d’intérêt sur les 50 % restants. Elles se recapitaliseront pour 106 milliards avec leurs propres profits, ce qui est la preuve de la bonne tenue de ceux-ci. Mais elles vont aussi tenter d’atteindre le ratio de 9 % de fonds propres par rapport aux encours de crédits en jouant sur les éléments composant ce ratio.
La capacité d’action du Fonds européen de stabilisation financière (FESF) est portée de 440 milliards d’euros à 1 000 milliards, et il garantira les emprunts d’État jusqu’à hauteur de 30 %. Mais le mécanisme adopté sera un nouveau Fonds adossé au FESF et peut-être au FMI. Cela signifie que le Fonds émettra des obligations à taux faible, et les sommes levées seront re-prêtées aux États en manque. En plaçant hors bilan des créances grâce à la procédure de titrisation, le FESF augmentera ainsi l’effet de levier. Et les pays émergents seront conviés à acheter de la dette européenne.

Cet accord n’a rien résolu. Les gouvernements ont évité de remettre en cause le statut néolibéral de la BCE, qui lui interdit de financer directement les États. Merkel, Trichet et son successeur à la tête de la BCE, Mario Draghi, ont encore imposé leur vision néolibérale. Disposant de fonds de garantie dont la fonction essentielle sera d’être des bad banks, les institutions financières spéculatrices achèteront des titres publics, certaines qu’elles seront de pouvoir ainsi s’en débarrasser. On réutilise donc les mêmes mécanismes financiers qui ont conduit à la crise : titrisation, effet de levier, CDS, CDO, garantie publique sans contrepartie.

Pendant ce temps, l’austérité imposée aux peuples est renforcée. Et les « dix-sept » se sont engagés à inscrire la règle d’or d’équilibre budgétaire dans leur constitution avant la fin 2012. Nicolas Sarkozy l’a dit : « un accord pour stabiliser et pacifier les marchés » ; les voilà rassurés. Devant ce triste spectacle, peut-on encore hésiter à socialiser tout le secteur bancaire et à annuler les dettes illégitimes [[Appel pour
un audit citoyen de la dette publique,
www.audit-citoyen.org]] ?

Économie
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