Le « forum des peuples » s’invite à Nice
Entre 5 000 et 15 000 altermondialistes sont attendus à Nice ce mardi pour le contre-sommet du G20. Une gageure dans la ville de Christian Estrosi, partagée entre la droite et l’extrême droite. Reportage.
Dans un petit local chargé d’odeurs , les militants s’affairent à quelques heures du lancement de « l’anti-G20 ». Aux fourneaux ce lundi, Geneviève Legay ne lève pas ses yeux des omelettes qu’elle moule à la chaîne. Mardi, ** entre 5 000 et 15 000 manifestants sont attendus selon les organisateurs, pour quatre jours de rassemblement dédiés aux questions financières. Sans cesse interrompue par des questions logistiques, la militante niçoise essaie de revenir sur le long et incertain travail du collectif d’organisation qui s’est regroupé il y a un an : « Que ce soit le maire de Nice, Christian Estrosi, ou le président du Conseil général des Alpes-Maritime, É ric Cioti, les collectivités ont freiné des quatre fers face à toutes nos sollicitations. Depuis septembre, la mairie ne donnait aucune réponse à nos demandes de salles et le département ne nous a jamais répondu pour les gymnases. Il a ensuite fallu batailler pour avoir l’eau ou l’augmentation de l’électricité dont nous avons besoin. »
Les demandes des organisateurs ont même créé un « vrai-faux conflit » entre la ville de Nice et l’État, représenté par un « préfet G20 » nommé spécialement pour l’événement. Devant l’absence de réponse du département, la préfecture a finalement réquisitionné un gymnase pour loger les manifestants. « Ici, les pouvoirs locaux se foutent de l’État, explique Nikolaz, salarié du collectif d’organisation du sommet et militant à Attac *. Nous avons bien senti, lors des réunions en préfecture, que le préfet n’avait aucune influence sur la volonté de Christian Estrosi et d’Éric Cioti »* . Malgré lui et après des semaines de tergiversations, le maire de Nice a finalement autorisé l’utilisation des anciens abattoirs en cours de réhabilitation (voir photo) pour le concert du premier soir et les débats du forum des peuples, mercredi et jeudi. « Ç a s’est fait au tout dernier moment , souffle Nikolaz, la mairie maintenait une pression constante. Elle nous obligeait à bosser dans l’urgence. »
Un « forum des peuples »
Depuis un an, un collectif d’une trentaine de militants s’est réuni à Nice avec le soutien de la coordination nationale. Dans l’hostilité d’une ville où la droite est en concurrence avec l’extrême droite, ces citoyens veulent croire que la « voix des peuples » sera audible, face aux chefs d’État des 20 pays les plus riches de la planète. «Les choses changent, espère Daniel Dalbera, militant niçois et ancien député PC de Paris, au milieu du va-et-vient des journalistes venus prendre quelques images *. L’économie a toujours été quelque chose d’incompréhensible, mais aujourd’hui les gens découvrent les agences de notation, elle se questionnent sur les intérêts qu’elles représentent. Alors dans ce contexte, c’est forcément enthousiasmant de nous voir réunis dans une ville qui représente un laboratoire du sarkozysme. »*
« Ah! ‘ Nice Menteur ‘ arrive , s’interrompt l’ancien parlementaire communiste passé à la Fase il y a deux ans, en jetant un oeil au quotidien local. Nice Matin… ils sont de plus en plus racoleurs, toujours plus focalisés sur la sécurité ». «Il faut voir en plus la campagne que la mairie a mené contre nous pendant un an, avec les médias à leur solde », abonde Geneviève Legay.
En 2000, le rassemblement des opposants au traité européen de Nice avait réuni 50 000 personnes. Et le souvenir d’une fin de cortège agitée a alimenté la psychose avant la tenue du contre-sommet de cette semaine. Les commerçants ont reçu la visite des polices nationale et municipale, qui les ont priés de fermer leurs rideaux au passage du cortège ce mardi. Les pompiers ont effectué des manœuvres d’entrainement spéciales et la baignade a été interdite toute la semaine. Ces vieux souvenirs ravivés s’ajoutent aux violences en Italie il y a 15 jours et à un contexte social tendu. Tous les regards devraient donc malheureusement être tournés, mardi après-midi, vers l’arrière du cortège. Au risque d’éclipser les questions de fond auprès du grand public.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don