On a testé Autolib’

Lundi 5 décembre avait lieu l’inauguration du système de voitures électriques en libre-service Autolib’, à Paris et alentour. Politis.fr a pris le volant d’une « Bluecar » au cours d’une après-midi à rebondissements. Contact.

Xavier Frison  • 6 décembre 2011
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On a testé Autolib’
© Photo de tête d'article : AFP / PATRICK KOVARIK

Gadget électoraliste ou vraie révolution des transports urbains ? Le système d’autopartage Autolib’ a déjà fait clivage avant même son ouverture au public ce 5 décembre, à 13h. Une demi-heure avant l’heure fatidique, nous nous dirigeons vers la borne d’abonnement la plus proche de la rédaction de Politis, avenue Parmentier, dans le XIe arrondissement. Avant de constater qu’il nous manque le justificatif de domicile nécessaire à l’inscription. Qu’à cela ne tienne, direction le domicile de votre serviteur, à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), commune limitrophe de Paris équipée en Autolib’, pour récupérer le document. Après 20 minutes de Vélib’ et le précieux sésame en poche, l’inscription peut commencer, à 13h tapantes. Une sorte de demi-bulle en panneaux de verre, garnie d’un agent aux petits soins en coupe-vent bleu, accueille l’usager. La borne d’enregistrement propose de dialoguer en visio-conférence avec le « service client ». Inquiétude face à cette innovation technologique sympathique mais à la fiabilité incertaine. Avant de pouvoir juger sur pièce, il faut patienter, à l’écoute d’un serveur vocal manifestement configuré en québécois : « Tous nos représentants sont présentement occupés » , «  Vous êtes présentement l’appelant n°6 pour parler à un préposé » . Après quelques minutes d’attente, une souriante « préposée » apparaît à l’écran. La connexion fonctionne bien, si ce n’est la difficulté à s’entendre en présence d’autres personnes dans la « bulle ».

Tout au bout d’une inscription très high tech (scan des documents à distance, etc.), patatra : la station de Charenton n’est pas en mesure d’imprimer la carte magnétique nécessaire à l’utilisation de la Bluecar… Nous voilà donc reparti à Vélib’, pour rejoindre, après 20 nouvelles minutes d’effort, la station de Saint-Mandé, toujours dans le Val-de-Marne. Ici, la connexion en visio-conférence lâchera en plein milieu de la procédure. On rappelle… « présentement »« préposé » … attente… Mais ça y est, la carte magnétique sort du ventre de la borne.

  • C'est le géant industriel français Bolloré qui a remporté en décembre 2010 l'appel d'offres Autolib'. Il a investi 1,5 milliards d'euros dans ce projet. Chaque commune participante a déboursé 50 000 euros par station. La rentabilité du projet est espérée sous sept ans.
  • Voir les tarifs de location, qui débutent à 10 euros les 24h pour l'accès au service, plus 7 euros la première demi-heure de location.
Reste à choisir un véhicule pour rouler, enfin. Sauf que les deux Bluecar stationnées à Saint-Mandé sont inutilisables… Va pour un nouveau tour de Vélib’, moins long cette fois, 10 minutes, pour rejoindre le quartier de la Nation (XIe) et l’ultime station de ce périple. À la borne du boulevard Diderot, quatre voitures grises attendent sagement. Quelques très brèves explications plus tard, et le « pistolet » chargeur d’électricité remisé de la Bluecar à la « pompe », on peut déverrouiller les portes à l’aide de la carte magnétique glissée sur la vitre côté conducteur. Une fois à bord d’un véhicule confortable, à mi-chemin entre la voiturette et la micro-citadine, la prise en main est simple : un levier de vitesses à trois positions, pas de pédale d’embrayage. Les habitués du scooter et de la voiture automatique s’y retrouveront vite, les autres pourront être déroutés. Dès le contact mis et les premiers mètres effectués, c’est le silence de fonctionnement qui étonne. On se prend à scruter les moindres réactions des piétons, de peur d’en voir se jeter sous le véhicule. Aucune alerte de ce côté-là, cependant. On peut écouter tranquillement la radio et voir les stations de parking Autolib’ s’afficher au fur et à mesure sur le GPS intégré. Il est temps d’aller chercher les collègues à Politis , pour tester la Bluecar en charge.

Illustration - On a testé Autolib' - Photo : Erwan Manac'h

Seul à bord, les capacités d’accélérations sont étonnantes. À trois, pas de baisse notable de performance. Et l’autonomie annoncée de 250 km permet de voir venir en ville, même s’il faudra sans doute revoir à la baisse cette optimiste prévision en utilisation réelle. Quoiqu’il en soit, à défaut de pouvoir anticiper la viabilité du système, le « produit » proposé est crédible. Après 15 minutes de trajet, le trio de Politis décide de se garer pour un petit café amplement mérité. Un livreur nous interpelle pour causer Autolib’, tandis que l’on glisse la carte magnétique sur son capteur pour verrouiller le véhicule, la clé restant à l’intérieur. Effet garanti. La vie est belle, jusqu’au moment où il faut repartir. Là, impossible de démarrer le véhicule. S’en suit une longue, très longue conversation avec les services techniques Autolib’, contactés via un gros bouton bleu incrusté sur le tableau de bord de la voiture.

On choisira in fine, à 16h, de laisser le véhicule au 138, rue du Chemin Vert (XIe), pour retourner à la rédaction… à pied, dans le froid d’une après-midi bien peu productive. Le côté « usage plus performant » des déplacements promis par Bertrand Delanoë en prend un sacré coup, même s’il faut faire preuve d’un peu de mansuétude face aux défis techniques à résoudre lors des premières heures de mise en service des 850 stations activées à Paris et dans 45 communes alentour.

Reste le fond du débat : Autolib’ fera-t-il sortir des usagers du métro pour engorger encore un peu plus la circulation dans Paris, fût-ce avec des véhicules électriques, ou au contraire la Bluecar va-t-elle inciter les citoyens à se passer d’une voiture personnelle ? Réponse dans quelques mois.

Illustration - On a testé Autolib' - Photo : Erwan Manac'h

Écologie
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