Hollande, un programme ambitieux mais incomplet

Le candidat socialiste a détaillé 60 propositions autour d’une poignée de mesures phares sur la finance et l’emploi des jeunes. Il reste allusif sur des points cruciaux et silencieux sur d’autres.

Erwan Manac'h  • 26 janvier 2012
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Hollande, un programme ambitieux mais incomplet

Illustration - Hollande, un programme ambitieux mais incomplet

Il y a le discours ambitieux d’un François Hollande dévoué à l’emploi des jeunes, ferme contre la finance et rassurant pour les petites entreprises. Puis il y a les 60 propositions, dévoilées jeudi 26 janvier avec un premier chiffrage, qui s’inscrivent sous le signe de la rigueur budgétaire et laissent une large place au doute.

Sans surprise, François Hollande introduit la présentation de son programme par sa « volonté de maitriser la finance » et annonce la création d’une taxe sur « toutes les transactions financières, avec plusieurs pays d’Europe ». En cas de désaccord, le candidat socialiste se dit prêt à faire un geste à l’échelle nationale avec le retour de « l’impôt de bourse » supprimé par la majorité sortante en 2008, sans toutefois en préciser l’assiette. Il s’en prend également aux « produits financiers toxiques » et aux « produits spéculatifs » qu’il souhaite interdire, sans préciser les titres que vise cette expression.

Ambitieux, mais flou

Devant 400 journalistes, réunis à la Maison des métallos, dans le 11e arrondissement de Paris, François Hollande s’est montré évasif au moment de préciser la forme de sa mesure visant à « séparer [au sein des banques]  les activités de marché [spéculatives] et de financement de l’économie » [par le prêt], laissant penser que les banques pourraient simplement créer des filières dédiées aux activités de dépôt (en bourse) en leur sein. Même flou, lorsqu’il évoque sa proposition ambitieuse d’ « interdire aux banques de travailler avec les paradis fiscaux » , le nœud de la finance mondiale. François Hollande ne présente pas de liste précise des pays qu’il considère comme paradis fiscaux, une question pourtant cruciale.

Le candidat se montre ferme envers les entreprises qui délocalisent, en proposant qu’elles soient contraintes de « rembourser les aides publiques » . Il annonce une hausse des cotisations sociales contre les sociétés qui « abusent des contrats précaires » et reprend le principe d’un écart maximum de salaire de 1 à 20, mais le circonscrit aux entreprises publiques, comme c’était le cas dans le projet du PS. Il défend un « pacte de productif » arc-bouté sur les PME avec la création d’une Banque publique d’investissement et le doublement du plafond du livret développement durable. Et veut faire de l’emploi des jeunes une priorité, avec la mise en place de 150 000 « emplois d’avenir » (le projet du PS en prévoyait le double).

Il se dit aussi volontariste sur le logement en annonçant la cession des terrains de l’Etat aux collectivités pour la construction de logements, la multiplication par 5 des sanctions aux communes qui n’appliquent pas la loi de Solidarité urbaine (SRU).

François Hollande détaille ses 60 propositions à la Maison des métallos - Photo : Michel Soudais

Les silences

François Hollande ne revient pas sur les franchises médicales et les politiques de rigueur de son « prédécesseur », qu’il évite ostensiblement de nommer par son nom. Il annonce une réforme de la loi de rénovation des universités (LRU) pour « une autonomie réelle » donnée à une présidence « collégiale et démocratique » des universités, sans revenir sur le principe de la loi.

Il se montre ferme en matière de sécurité, préconisant le doublement du nombre de centres éducatifs fermé, les portant à 80 en cinq ans sans un mot sur les réformes sécuritaires de son prédécesseur.

Le silence est aussi criant sur l’éducation populaire et l’écologie. Sur la question des salaires et de la revalorisation du Smic, il renvoie la question à la conférence sociale qu’il souhaite convoquer une fois élu.

Sur la question migratoire, il souhaite être « ferme, tout en respectant les droits humains » , et chargera le parlement de débattre chaque année du nombre de migrants économiques et étudiants. La création de 500 000 places de crèches et d’un « service public de la petite enfance » , prévue par le PS, n’est pas évoquée. Elle sera mise en place « si nous en avons les moyens » .

17 000 suppressions de postes par an

Car le projet du candidat socialiste est inscrit avec la rigueur en toile de fond. D’entrée François Hollande parle de « lucidité […] face à la gravité de la crise » en dénonçant l’augmentation du niveau des dépenses publiques de 1,5 point (43,3% à 44,8% selon ses chiffres) durant le mandat de Nicolas Sarkozy. Il annonce « un coup d’arrêt » à la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et l’arrêt du non-remplacement systématique d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique. Mais sur les 30 000 départs à la retraite non remplacés actuellement, 12 000 deviendront des « créations » de postes dans l’éducation et 1000 autres dans la police et la justice. 17 000 départs seront donc effectivement non remplacés dans la fonction publique chaque année.

L’ancien premier secrétaire socialiste table sur des prévisions de croissance de 0,5% en 2012, actant donc la nécessité d’un premier plan de rigueur exceptionnel une fois arrivé au pouvoir, pour corriger le budget adopté par la majorité actuelle, qui tablait sur une hausse de 1% du PIB. À l’horizon 2017, cette cure doit rapporter 29 milliards d’euros selon ses prévisions, grâce à la «  contribution des plus hautes rémunérations » et la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, « sauf pour les très petites entreprises » (11,8 milliards) ; la lutte contre les niches fiscales et l’impôt de bourse (17,3 milliards).

Les mesures présentées dans son programme, évaluées à 20 milliards d’euros, doivent être financées par une hausse de la taxe professionnelle, le retour de la fiscalité sur les heures supplémentaires, la maitrise des déficits et l’augmentation des cotisations vieillesse.

Depuis la Maison des metallos, Erwan Manac’h

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