Répétition à Nantes avec Stéphane Hessel

C’est lors d’un débat avec l’auteur d’« Indignez-vous » que François Hollande a rôdé son discours, notamment sur la finance.

Patrick Piro  • 26 janvier 2012 abonné·es

Illustration - Répétition à Nantes avec Stéphane Hessel

«Jamais je n’aurais dû accepter ce débat avec Stéphane Hessel : il a l’arme de la justice et de l’espérance pour lui… » , se délecte François Hollande, faussement contrit. L’auteur d’Indignez-vous ! vient de lui faire l’injonction de suivre l’exemple de Roosevelt qui, en 1933, a profondément transformé les États-Unis pour les sortir de la Grande dépression. C’était jeudi 19 janvier, devant un millier de personnes, à l’ouverture des débats des journées de Nantes, organisées par le Nouvel Observateur.

Cette tribune apparaît rétrospectivement comme une répétition générale du discours du Bourget. « Je vais vous faire part de mes propres indignations , attaque Hollande : ces marchés qui pèsent plus que la démocratie, et que le politique ne parvient pas à dominer ; ces intérêts de la finance qui l’emportent sur ceux des personnes ; ces inégalités qui n’ont cessé de s’aggraver ; et ces comportements qui froissent la morale et l’éthique. Mon principal adversaire n’a pas de nom, c’est la finance… » Le public applaudit : la formule, énoncée pour la première fois par le candidat, a fait mouche. La suite s’est déployée lors du discours du Bourget.

Devant une salle en apparence plus radicale que lui, Hollande évoque « un nouveau modèle de développement pour la France et l’Europe » , fondé sur des modes différents de production, une transition énergétique et écologique, une autre répartition des richesses, un « nouvel acte de décentralisation » , une rénovation de la démocratie.

Les échanges avec le public éclairent cependant les limites du gauchissement de son discours. « Femme, au métier pénible, à la carrière professionnelle entrecoupée d’interruptions, je ne toucherai qu’une très petite retraite. Que ferez-vous ? » Hollande se contente de résumer sa position établie depuis des mois : « Ceux qui ont travaillé 41 ans partiront à 60 ans » — pas de référence à une abrogation de la réforme Sarkozy des retraites, dont il approuve les principaux mécanismes. « Et que ferez-vous pour changer la politique d’accueil des étrangers, dont les conditions sont devenues une honte pour le pays ? » Le candidat répond à côté : réduction des délais d’instruction des dossiers de demande d’asile, allongement des titres de séjour (d’une année actuellement), assouplissement des visas… pour les artistes !

À un militant qui l’interpelle sur le dossier turc : « J’ai voté la loi pénalisant la négation du génocide arménien. Quant à la demande d’entrée de la Turquie dans l’Union, il faut poursuivre le processus de négociation. »
Hollande fait part à plusieurs reprises au public de la nécessité de le porter en tête au premier tour du scrutin présidentiel. Cette préoccupation tactique semble lui dicter sa prudence verbale : surtout éviter tout faux pas. Stéphane Hessel conclut par une demi-peau de banane : « Je sais que François Hollande aura des tentations d’apaisement, d’allons-y mollo, et qu’il aura à cœur d’y résister ! »

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Un air de gauche
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