L’Europe sociale manifeste contre l’austérité

Les syndicats défilaient aujourd’hui en France et dans les 26 autres pays de l’Union européenne, à la veille d’un conseil européen qui entend graver l’austérité dans le marbre. Reportage.

Erwan Manac'h  • 29 février 2012
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L’Europe sociale manifeste contre l’austérité
© Photos : E. Manac'h, M. Soudais

À l’appel de la Confédération européenne des syndicats (CES) , des cortèges unitaires ont foulé le pavé dans toute l’Europe, mercredi 29 décembre après-midi, contre les plans d’austérité. Les 1er et 2 mars, un Conseil européen doit prendre de nouvelles mesures de « rigueur » budgétaire. En France, 160 cortèges ont été dénombrés par l’intersyndicale (CGT, CFDT, FSU, Unsa, Solidaires). Des arrêts de travail ont aussi été annoncé dans les services publics, les transports, la construction ou l’énergie. Un préavis de grève a été déposée à la SNCF.

À Paris, les manifestants étaient entre 8 700 selon la police et 15 000 selon la CGT. À la CGT, omniprésente, se sont joints le NPA, Attac et le Front de gauche, qui stationnaient le long du cortège. Deux immenses tables ont même été tirées à mi-parcours devant une imposante sono par le Front de Gauche, pour « tracter » et vendre le programme du candidat Mélenchon.

Quelques minutes avant le début de la manifestation, devant une foule clairsemée qui converge lentement devant les marches de l’Opéra Bastille, les représentants de l’intersyndicale s’expriment au micro.

Pascal Joly, Secrétaire général de la CGT :

« Le monde du travail est agressé, il agit en légitime défense. On nous chante le refrain du coût du travail, mais on ne parle jamais du coût du capital. Le mécanisme européen de stabilité (MES), c’est de la stabilité pour les profits seulement » .

Quelques drapeaux grecs s’élèvent au-dessus de la foule, et une banderole, brandie par une poignée d’« Indignés » juchés sur le perron de l’Opéra, dit : « We are all greeks » (Nous sommes tous Grecs). Des signes de soutien salués par l’Organisation régionale des syndicats d’Athènes (EKA), représentée dans le cortège par Christina Théoc-Karis :

Christina Théoc-karis - 29 février 2012, Paris

« Au nom des travailleurs, retraités, chômeurs, nous saluons votre soutien. La solidarité est le pouvoir des salariés, elle nous donne la force et la confiance dans notre combat pour une Europe solidaire, qui ne soit pas dirigée dans la concurrence brutale néolibérale. Ce qui est appliqué en Grèce est le démantèlement de l’État providence, acquis au niveau européen par de longues luttes. Demain, cela concernera tous les pays d’Europe si nous n’agissons pas ensemble » .

Pascal Joly (CGT) et Luc Berry (Unsa) - 29 février 2012, Paris

Luc Berry s’est exprimé au nom de l’Unsa :

« Nous devons imposer une réponse européenne différente de celle que les chefs d’État s’apprêtent à adopter en Conseil européen. Nous nous opposons à un traité qui impose l’austérité contrainte et qui empêche les politiques de relance, en tuant la croissance et l’emploi. Il faut qu’ils entendent que les salariés ne peuvent pas accepter l’austérité. Nous entendons en plus des attaques contre les « corps intermédiaires » et les syndicats. C’est une attaque contre la démocratie sociale, mais aussi contre la démocratie tout entière. »

Pour la FSU, Guy Tresallet s’est prononcé contre « la constitutionnalisation des politiques d’austérité, dans un traité qui n’a aucune légitimité démocratique. » « Nous exigeons la tenue d’un référendum sur ce nouveau traité » , abonde Eric Beynel pour Solidaires, qui appelle à une nouvelle manifestation le 24 mars pour l’emploi et contre les suppressions de postes dans la fonction publique.

Guy Tresallet (FSU) et Eric Beynel (Solidaires) - 29 février 2012, Paris

Parlant au nom d’un petit cortège d’étudiants de l’Unef, Emmanuel Zemmour a également pris brièvement le micro :

Emmanuel Zemmour (Unef) - 29 février 2012, Paris

« Les étudiants payent lourdement la crise. Il n’y a qu’à venir constater nos conditions d’enseignement dans les amphis pour s’en apercevoir. La jeunesse est aussi la seule partie de la population qui ne bénéficie d’aucun mécanisme de protection sociale. L’État n’est pas présent pour nous aider. Nous sommes donc incapables de faire un effort supplémentaire pour payer la crise et les mesures d’austérité. »

Devant une imposante banderole jaune « l’art est public », quelque temps avant le lancement du cortège, des représentants des 15 fédérations du spectacle vivant – du cirque au théâtre de rue – sont venus se faire entendre : Pierre Prevost, Fédération des arts de la rue :

Pierre Prevost, Fédération des arts de la rues - 29 février 2012, Paris

*« Nous ne sommes pas la culture officielle, sacralisée, dispensée au bon peuple. Nous sommes ceux qui travaillent la culture tous les jours au corps-à-corps. La politique culturelle telle qu’elle est définie aujourd’hui ne nous fait pas de place. Il faut la repenser.

L’art est une action, un levier, un moyen d’échange. La culture a une vraie fonction de rassemblement. Les arts de rue ne sont pas coûteux, et les artistes ne sont pas des gaspilleurs. Au contraire, nous sommes créateurs de liens. Il faut nous faire une place et nous donner des moyens.

L’art aujourd’hui, c’est comme acheter des fleurs, on le fait en dernier. Nous voulons faire partie du repas. »*

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, s’est aussi rendu sur la place de la Bastille avant le départ du cortège.  « Le traité qui est discuté au Conseil européen est tout sauf un mécanisme de solidarité , juge-t-il en dénonçant la logique de « punition » :

Illustration - L'Europe sociale manifeste contre l'austérité

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