Facs : un enseignement sous influence

À l’université, les cours de sciences économiques sont de plus en plus souvent orientés par l’opinion des mécènes qui financent les établissements.

Thierry Brun  • 12 avril 2012 abonné·es

L’université Paris-Dauphine est un modèle d’autonomie financière. Dotée d’une fondation dont les principaux partenaires sont le groupe Bolloré, Bouygues, GDF-Suez et le groupe Lagardère, l’université compte aussi dans ses rangs quelques-uns des économistes les plus réputés. Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes, qui siège dans plusieurs conseils d’administration d’institutions financières, y est titulaire de la chaire « Transitions démographiques, transitions économiques », qui étudie l’économie du vieillissement.

Le professeur d’économie est intervenu sur cette question en 2003 dans une revue de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), qui regroupe les compagnies privées souhaitant démanteler le « monopole » de la Sécurité sociale. Il ne fait pas mystère du modèle qu’il défend à propos de la dépendance des personnes âgées : « La complémentarité entre la réponse publique et l’assurance privée semble inéluctable », écrit-il.

Les principaux « lobbies de l’assurance se taillent la part du lion : la chaire “Assurance et risques majeurs” est ainsi parrainée par l’assureur Axa », écrit Laurent Mauduit, dans les Imposteurs de l’économie, soulignant que « les plus grands groupes industriels français ont de facto pris les commandes » de Paris-Dauphine.

L’enseignement de l’économie est depuis quelques années la cible des chantres du capitalisme financier. Ainsi, en 2004, au concours de l’agrégation externe de sciences économiques, principale voie pour devenir professeur des universités, quatre membres du jury sur sept étaient membres de la Société du Mont-Pèlerin, fondée par l’ultralibéral Friedrich Hayek. Trois des membres étaient fondateurs de Génération libérale, présidée par Jacques Garello, réseau qui a pour objet « l’approfondissement, la discussion et la diffusion de la pensée libérale en France », dans lequel on retrouve Pascal Salin et Bertrand Lemennicier. Ce dernier prône le marché libre des organes et des manipulations génétiques, la régulation par les prix étant supérieure à toute autre…

Outre le concours de l’agrégation, les évaluations des chercheurs posent de nombreux problèmes, maintes fois dénoncés par des collectifs, dont l’Association française d’économie politique (Afep). Et l’Association française de science économique (AFSE) a récemment réagi à une affaire de conflits d’intérêt, estimant nécessaire « une réflexion rapide sur les questions éthiques et la déontologie des économistes ». Elle a décidé de créer un groupe de travail chargé de « recenser les dispositifs d’encadrement des pratiques des économistes, en particulier universitaires et chercheurs, et de proposer des recommandations de “bonne conduite” ».

De son côté, le keynésien Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui dépend de la Fondation nationale des sciences politiques, a adopté une charte déontologique exigeant désormais de ses collaborateurs qu’ils révèlent leurs éventuels conflits d’intérêts.

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