La presse ment

Sébastien Fontenelle  • 12 avril 2012 abonné·es

En 2007, Nicolas Sarkozy, candidat de l’UMP (aux affaires depuis cinq ans) à l’élection présidentielle, promet que, si le votat le met dans l’Élysée, il sera « le président du pouvoir d’achat », en même temps que celui « de tous les Français ». Au passage, il récite quelques psaumes d’extrême droite, du style la France tu l’aimes ou tu la quittes – histoire de bien montrer qu’entre la propagande des Pen et la sienne propre (si j’ose dire), il y a beaucoup moins que l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette.

Des voix s’élèvent alors pour objecter qu’en vrai, non, et qu’en vrai, vu son programme, le mec sera plutôt le président du pouvoir d’achat des nanti(e)s, que ses réformes seront d’un rude effet sur les fins de mois des pauvres, et qu’il dit, sur plein de sujets, la même chose, exactement, que les Pen.

Mais la presse dominante, très gentiment, néglige (et occulte) ces avis, et s’interdit, surtout, de pointer que les promesses de Nicolas Sarkozy sont totalement irréalistes, et qu’il ne sera pas du tout le président du pouvoir d’achat et de tou(te)s les Françai(se) s, mais celui de la possédance et de la permanente excitation de ressentimeux clivages au sein de la société.
Moyennant quoi, il apparaît très vite, après son élection, qu’il est en effet « le président des riches », et que son gouvernement s’applique, avec une rare constance, à stigmatiser « l’Autre ».

Mais la presse dominante, très gentiment, le supplie de « s’arc-bouter sur son » admirable « programme de réformes » (le Monde), et s’applique à ne jamais tirer du constat qu’il entretient les mêmes phobies que les Pen l’évidente conclusion qu’à tant se ressembler, la droite et l’extrême droite, sur nombre de sujets, ne font plus qu’une seule et même famille de pensée.

Mais lorsqu’en 2012 Jean-Luc Mélenchon présente un programme où l’on chercherait en vain le moindre point de concordance avec les obsessions péniques, et qui s’attache, plutôt qu’au gavage des possédant(e)s, à une plus équitable redistribution des richesses, la presse dominante, soudain déchaînée, se met à hurler que Jean-Luc Mélenchon est une espèce de Pen-bis (Jacques Julliard, qui est la dignité faite homme, va même jusqu’à suggérer que la ferveur qu’il suscite rappelle « les enthousiasmes collectifs » de « l’Allemagne nazie ») – et que son programme, que la presse dominante s’empresse de faire expertiser (en toute objectivité) par l’ultracapitaliste Institut de l’entreprise, est tragiquement « irréaliste ».

Durant ce temps, Nicolas Sarkozy, qui brigue un second mandat, continue tranquillement de narrer qu’il veut le bien du peuple et que cela nécessite plus de fermeté dans le harassement des étrangers – mais c’est à peine si la presse relève une « droitisation » dont elle continue de ne pas vouloir voir ce qu’elle révèle.

La presse a menti, la presse ment, la presse mentira : pendant que ses roquets de garde crochent leurs dents dans les mollets de Mélenchon, ses maîtres, gentiment, continuent de faire un passage à la caravane du capitalisme.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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