La précarité, effet secondaire du cancer

Selon une étude menée par la Ligue contre le cancer, les malades connaissent souvent de graves difficultés matérielles.

Clémence Glon  • 17 mai 2012 abonné·es

Le traitement contre le cancer est bien trop coûteux pour les malades. Une étude menée par la Ligue contre le cancer montre que la précarité s’ajoute souvent à la maladie. Jacqueline Godet, présidente de l’association, précise : « De nombreux malades s’adressent à nous pour avoir des informations afin de contracter un prêt. Les banques sont très exigeantes. » Près de 60 % des personnes actives au début de la maladie ont vu leurs revenus chuter, et pour 44 % d’entre elles, cette diminution représente plus d’un quart de leur salaire d’origine.

Véronique, 53 ans, caissière à Rezé, dans l’agglomération nantaise, a stoppé son activité la veille de son opération pour un cancer du sein. « Je suis passée d’un salaire de 1 050 euros à 500 euros [d’indemnités versées par la Sécu] par mois », explique-t-elle. Sa mutuelle aurait dû prendre en charge la différence, mais les subsides ont tardé à être versés. Véronique fait alors la demande d’une aide auprès de la Ligue, « pour éviter à [ses] enfants de manger des pâtes tous les jours ». En 2011, 52 % des demandes concernaient des aides financières à la vie quotidienne. « Même des familles à l’aise financièrement peuvent tomber dans la précarité avec la maladie », souligne Jacqueline Godet.

Le traitement en mode ambulatoire, c’est-à-dire sans hospitalisation, concerne 91 % des chimiothérapies et 98 % des radiothérapies. La famille prend ainsi le relais du personnel hospitalier, ce qui représente un confort pour le patient mais une « charge » pour les proches. C’est la solution qu’a choisie Véronique pour soigner son cancer : « J’ai la chance d’avoir une fille de 21 ans qui a pu m’aider à la maison. Mais je ne sais pas comment peut faire une femme avec des enfants en bas âge. »

« Ce que nous appelons les “restes à charge”, ces dépenses que la Sécurité sociale ne prend pas en compte, ont augmenté ces dernières années », analyse Jacqueline Godet. Après la maladie, Véronique peut reprendre un mi-temps thérapeutique dans la grande surface qui l’employait. Une option qui ne se présente pas toujours. La Ligue est souvent sollicitée pour des aides à la réinsertion professionnelle.

Dans son étude, l’association pointe également la concentration des centres anticancéreux : 41 % des personnes interrogées évoquent des difficultés de mobilité. Le malade doit parcourir des trajets de plus en plus longs, « ce qui augmente encore les dépenses, estime Jacqueline Godet. Il y a une véritable inégalité d’accès aux soins qui s’amplifie avec les déserts médicaux ». Et la raréfaction des médecins généralistes, qui tiennent un rôle fondamental dans le suivi et l’écoute du patient, est dramatique.

Au cours du traitement, les malades sont isolés socialement : « La fatigue, la perte de cheveux, l’absence d’activité physique créent de l’inconfort qui s’ajoute au cancer », indique Jacqueline Godet. Des désagréments qui peuvent être limités ou soulagés par des soins de support comme des crèmes ou des maquillages adaptés, des prothèses capillaires, des soins corporels et psychiques spécifiques, mais ceux-ci « ne sont pas couverts par la Sécurité sociale, alors qu’ils facilitent la sortie de la maladie ».

En France, avec 1 000 nouveaux cas diagnostiqués tous les jours, le cancer demeure la première cause de mortalité. L’étude menée auprès de 1 700 personnes devrait remonter jusqu’au nouveau gouvernement : « Nous en sommes au constat. Ces conclusions ont pour but d’appuyer nos propos auprès des décideurs », précise Jacqueline Godet.

Société Santé
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