Le muguet n’est plus un symbole, juste une industrie polluante

Le muguet est devenu une fleur quasiment artificielle, retardée aux produits chimiques comme l’odeur, artificiellement cultivée elle aussi.

Claude-Marie Vadrot  • 5 mai 2012
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Le muguet n’est plus un symbole, juste une industrie polluante

Les médias nous ont raconté avec les habituels clichés et sanglots à quel point comme chaque année, les agriculteurs du muguets ont rivalisé de tortures chimiques pour pouvoir inonder le pays des clochettes blanches, oubliant de nous signaler que cette fleur est devenue quasiment artificielle, poussée, retardée aux produits chimiques que l’odeur, artificiellement cultivée elle aussi, réussi à masquer. Alors, pour que le muguet soit prêt à être empaqueté et distribué à temps, on chauffe, on refroidit, on fait du vent, on disperse des retardateurs de croissance ou on éclaire la nuit…

Il n’y a plus, il n’y a peut-être jamais eu, de muguet dans le bois de Chaville chanté dans les années 50 par Pierre Destaille (Ce jour-là au Bois d’Chaville y avait du muguet, si ma mémoire est docile c’était au mois d’mai, au mois d’mai dit le proverbe fais ce qu’il te plaît, on s’est allongés sur l’herbe et c’est c’qu’on a fait…). Comme chaque année, il y en a dans mon jardin et son parfum est parvenu jusque vers le clavier de mon ordinateur grâce au petit vent frais qui le disperse par la porte ouverte après avoir un peu enivré mon chat. Il faut le dire, après que les industriels du muguet nous aient assuré, cette année comme l’année dernière et évidemment l’année prochaine, avec des sanglots dans la voix et pour nous le faire vendre très cher, qu’ils ont réalisé une fois de plus des miracles pour qu’il fleurisse à temps sous leurs serres. Alors qu’il est si simple et moins « empoisonnant de laisser faire la nature. Elle est tout a fait capable de réaliser ce qui n’a rien d’un miracle. Juste le chronomètre des saisons…

Et, si, par hasard, il en reste quelques brins dans les endroits les plus frais et les plus ombragés, il ne faut pas compter sur moi pour dire où ils se cachent des cueilleurs de mai, ni à Chaville ni en d’autres bois : l’espèce est menacée et mieux vaut la humer sans la toucher. Venues du Japon au Moyen Age, les petites fleurs blanches du Convalaria Majalis qui se transforment quelques semaines plus tard en fruits rouges très toxiques, méritent d’être protégées contre ceux qui hantent les forêts pour les revendre dans les rues, même pour les finances d’un Parti qui prétend toujours que les clochettes blanches lui permettent de conserver son siége social rouge. Il faut le laisser en paix, quel que soit le bois où on le découvre. Sauf dans quelques régions du sud de la France, le muguet n’est pas encore protégé. Dommage ! Ce muguet sauvage et largement plus parfumé que le muguet de serre, ne représente plus qu’à peine 10 % de ce qui se vend en France –par tolérance spéciale-, montre à quel point les cueilleurs ont fait des ravages au cours des quinze dernières années.

Le muguet du premier mai, le sauvage, le seul qui donc embaume vraiment, alors que l’autre est souvent aspergé d’un parfum de synthèse, est victime d’une tradition qui remonte dans notre pays à 1907, quand les manifestants-travailleurs ont décidé pour la première fois de le glisser, souvent avec une fleur rouge, à leur boutonnière pour célébrer la fête du travail. D’autres historiens racontent que l’usage du muguet printanier comme ornement, remonte en fait à Charles IX qui décida d’en offrir en ce mois à toutes les dames de sa cour. Ce qui n’entraînait évidemment pas autant de dégâts que la razzia qui s’organise chaque année. Malgré les précautions de la réglementation, plus destinée à protéger les fleuristes que le muguet sauvage, qui précise que la fleur ne peut être vendue que sans présentation, sans pot et surtout sans racine. Car ce qui a causé sa perte, ce sont les revendeurs et les promeneurs qui, au lieu de le couper délicatement, le déracinent pour qu’il dure plus longtemps. Ce qui a souvent pour effet, bien que la plante se propage surtout au moyen d’un très fin rhizome, une racine souterraine, de l’empêcher de repousser l’année suivante. Ce qui facilité sa culture sauvage au jardin. Sauvage car le muguet est réputé s’étendre où il veut et non pas d’ans l’espace que lui assigne le jardinier.

Alors, en attendant que le muguet appelé autrefois larmes de la Vierge soit protégé partout, contentons nous de le regarder et de le humer tout au long du joli moi de mai. Mais n’oublions pas que les roses qui l’accompagnent parfois sont cultivées au Kenya, en Equateur en Ethiopie ou en Colombie au prix de l’exploitation et de l’empoisonnement des salariés employés dans les serres saturées de produits chimiques avant de gagner la France par avions via l’aéroport de Schiphol, prés d’Amsterdam.

Écologie
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