« Combattre la gauche de la gauche »

Sébastien Fontenelle  • 21 juin 2012 abonné·es

On le sait peu, car c’est encore trop peu dit par la presse et les médias (où le courage manque, lorsque vient le moment d’énoncer des vérités dérangeantes), mais un très grave danger menace le nouveau chef de l’État français – François Hollande, donc. Ce péril est le même, presque inchangé, qui depuis cent ans et plus (ça commence à faire un peu long) pèse sur notre démocratie, et face auquel, désormais, nous sommes hélas plus démuni(e)s qu’aux temps bénis où MM. Reagan et Pinochet le contenaient pour nous dans des limites acceptables : c’est, tu l’auras reconnu, le péril rouge. (Le Pérrril Rrrouge, mâme Dupont ! Avec son horrrrrrible couteau serrrrrré entre les dents !) Cela, ce n’est pas moi qui le dis : je ne prétends (certes) pas que je n’écris jamais de sottises, mais là, quand même, ça me ferait mal au fondement d’en balancer une si massive. C’est Jean Daniel qui l’écrit, cette semaine, dans Le Nouvel Observateur.

Et bien sûr, il ne dit pas directement qu’il messiérait que des bolcheviks s’introduisent dans la vie publique [^2] – car il sait qu’il serait hasardeux de rédiger en 2012 un tract anticommuniste des années 1950. Il explique donc plutôt, mais ça revient au même, que, si trop de représentant(e)s d’une gauche un peu entière réussissaient à s’introduire dans le palais Bourbon (à la faveur d’une élection), cela confronterait François Hollande à des « difficultés évidentes », car il aurait alors « besoin, pour gouverner », des vermillon(ne)s ami(e)s de Jean-Luc Mélenchon – et cela, n’est-ce pas, serait absolument odieux. « Il est donc capital, écrit Jean Daniel, que le second tour des élections législatives garantisse » à François Hollande une totale « autonomie », et nantisse par conséquent les « socialistes » d’une majorité absolue, car sans cela ? Il aurait – épouvantable perspective – « à combattre, à l’Assemblée, la gauche de la gauche ».

Par ces édifiantes considérations, Jean Daniel nous fait un double aveu. Celui, d’abord, que sa conception de la démocratie n’est au fond point si libérale qu’elle puisse tolérer que d’autres voix que celles de sa « gauche » en trompe-l’œil pèsent au Parlement. Puis, surtout : celui que les cinq prochaines années seront pour de bon (et comme nous le craignions) terribles, et marquées, comme toujours quand les « socialistes » s’hissent aux affaires, du sceau de l’antisocialisme – puisque les mesures que prépare François Hollande seraient nécessairement combattues par la gauche de la gauche, si par malheur elle disposait de plus d’un(e) à deux élu(e)s. Pourrons-nous alors dire que nous n’aurons pas été prévenu(e)s ? Assurément pas : Jean Daniel vient de nous signifier que nous allions en ch… En baver. 

[^2]: Car on sait que ces gens-là, sitôt qu’on leur consent qu’ils soient représentés, profitent qu’on les a laissés entrer – et viennent jusque dans nos bras chercher nos fils et nos compagnes, pour les emmener la nuit dans les sous-sols de la Loubianka, à la fin de leur enseigner la ferveur collectiviste.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes