Syrie : des enfants utilisés comme boucliers humains

Un rapport alarmant de l’ONU dénonce des cas de tortures et d’exécution de garçons et de filles, dont certains à peine âgés de 8 ans.

Denis Sieffert  • 14 juin 2012 abonné·es

Des soldats syriens ont torturé, mutilé et exécuté sommairement des enfants, dont certains, âgés d’à peine 8 ans, ont d’abord été utilisés comme boucliers humains. C’est l’accusation portée dans un rapport de l’ONU publié le 12 juin qui pointe la responsabilité du régime. Le document sur « les enfants dans les conflits armés » cite les circonstances d’une opération de quatre jours déclenchée le 9 mars, conjointement par l’armée loyaliste, les services de renseignement et la milice Shahiba dans le village d’Ayn l’Arouz, au nord-ouest du pays. Les troupes gouvernementales ont raflé des dizaines de garçons âgés de 8 à 13 ans, avant d’attaquer le village. Selon le rapport, ces enfants ont ensuite été « utilisés par des soldats et des miliciens comme boucliers humains […] pour pénétrer dans le village pendant l’assaut ». « Le village fut finalement incendié et quatre des 34 personnes capturées ont été abattues et brûlées, notamment deux garçons [de 15 et 17 ans]  », toujours selon le document de l’ONU, qui cite de nombreux autres cas.

Selon Human Rights Watch, reprenant des chiffres d’un centre de documentation des violations commises en Syrie, 1 176 enfants ont été tués depuis le début du soulèvement en février 2011. Mais l’ONG new-yorkaise n’épargne pas non plus les opposants. Elle dénonce des « groupes d’opposants armés, dont l’Armée syrienne libre », qui recruteraient des enfants soldats. Ces rapports dignes de foi rendent surtout compte d’un glissement de la situation vers ce qui s’apparente à un début de guerre civile.

Le 12 juin, plusieurs témoignages faisaient également état de bombardements sur plusieurs villes et localités, dont la ville de Haffé, dans la province de Lattaquié, qui subissait un feu nourri de bombes et de mortiers. Dans cette ville en état de siège, l’ONU craignait un nouveau massacre. Le secrétaire général, Ban Ki-moon, avait demandé, lundi, que des observateurs des Nations unies puissent entrer dans la ville. En vain.

Sur le plan diplomatique, la situation paraissait toujours bloquée. Le Conseil national syrien, qui fédère une partie de l’opposition, en a appelé lundi au Conseil de sécurité de l’ONU et, plus particulièrement à la Chine et la Russie, à « assumer leurs responsabilités et à réagir aux crimes commis contre les civils ». Du côté de Moscou, certains commentateurs ont voulu décrypter une évolution dans une déclaration du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a affirmé le 9 juin : « Si les Syriens s’entendent entre eux sur un départ d’Assad, nous serons heureux de soutenir une telle solution. » Avant d’ajouter : « Mais nous jugeons inacceptable d’imposer de l’étranger les conditions d’un tel dialogue. » Autrement dit, la Russie n’a pas bougé d’un iota.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Turquie : « J’ai vécu un remake de l’affaire Dreyfus »
Monde 27 mars 2024 abonné·es

Turquie : « J’ai vécu un remake de l’affaire Dreyfus »

La quasi-totalité des édiles du Parti démocratique des peuples élus en 2019 ont été destitués par le régime turc au bout de quelques mois. C’est le cas d’Adnan Selçuk Mızraklı, porté à la tête de Diyarbakır avec 63 % des voix, qui depuis est en prison. Nous sommes parvenus à établir avec lui une correspondance écrite clandestine.
Par Laurent Perpigna Iban
À Jérusalem-Est, un ramadan sous pression
Monde 20 mars 2024 abonné·es

À Jérusalem-Est, un ramadan sous pression

En Palestine occupée, le mois saint de l’islam cristallise les tensions alors que les Palestiniens font face à de nombreuses restrictions de l’accès au mont du temple et à la mosquée Al-Aqsa. Elles illustrent le régime légal que des organisations de défense des droits humains qualifient d’apartheid. 
Par Philippe Pernot
« Ma vie dépend de ce qui se passe sur le front »
Ukraine 18 mars 2024

« Ma vie dépend de ce qui se passe sur le front »

Dans une interview réalisée le 28 février 2024, l’écrivain ukrainien Andreï Kourkov nous raconte l’impact de la guerre sur son travail et les questions existentielles qui se posent deux ans après l’invasion russe.
Par Pauline Migevant
« Il y a une volonté d’effacement du peuple palestinien »
Entretien 13 mars 2024 abonné·es

« Il y a une volonté d’effacement du peuple palestinien »

Pour Isabelle Avran, cofondatrice de l’Association France Palestine solidarité, le massacre de la bande de Gaza par Israël est l’acmé inédite d’une volonté d’éradication du fait palestinien.
Par Patrick Piro