Conférence environnementale : En être ou pas ?

Échaudées par le Grenelle, les associations considèrent la conférence environnementale avec une certaine méfiance.

Claude-Marie Vadrot  • 6 septembre 2012 abonné·es

Pendant plusieurs semaines, les associations de protection de la nature et de l’environnement ont oscillé entre méfiance et intérêt, conditionnant leur participation à des engagements sur le déroulement ouvert et démocratique de la conférence et sur les suites qui lui seront données. «  Il n’était pas question, explique Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace, de s’emballer comme nous l’avons fait pour le Grenelle de l’environnement et de participer à une discussion verrouillée d’avance. De plus, après les promesses de la période électorale, les signaux émis par le président de la République et certains de ses ministres, comme Arnaud Montebourg, étaient plutôt négatifs. Donc, nous avons opté pour une participation prudente. »

Le président de France Nature Environnement (FNE), Bruno Genty, rappelle la nécessité que soit clairement établi pendant les débats que «  la crise économique et la crise écologique sont étroitement imbriquées. Car la lutte pour un autre environnement n’est acceptable par l’opinion publique que si elle sert également à régler les questions sociales et économiques. Et nous refusons […] que la préoccupation environnementale soit une simple variable d’ajustement  ». Bruno Genty insiste également sur la volonté de la plupart des responsables associatifs de présenter un front commun de résistance « dans une période qui n’est pas vraiment pro-écolo. De plus, nous ne voulons pas avoir à gérer les “coups partis” sous prétexte que des études ont déjà été engagées. Qu’il s’agisse d’infrastructures routières, d’irrigation agricole ou de barrages, par exemple ». Il retient une phrase prononcée en privé par le Premier ministre : «  Je suis pour une économie de la sobriété, du réemploi et du recyclage  », mais s’inquiète du flou à propos de l’exploitation des gaz de schiste et du « nucléaire filière d’avenir », qui reste en travers de la gorge de toutes les associations sans exception.

Le déroulement de la Conférence environnementale a été fixé le 29 août lors d’une dernière réunion des représentants de tous les participants – associations, syndicats (salariés et patronaux) et élus. Elle se déroulera les 14 et 15 septembre dans les locaux du Conseil économique, social et environnemental, au palais d’Iéna, à Paris. Cinq tables rondes thématiques se dérouleront simultanément :
  • La transition énergétique, y compris gaz de schiste et nucléaire. La rencontre est animée par Delphine Batho et Arnaud Montebourg, ce qui a la mérite d’être assez savoureux, vu leurs déclarations sur ces sujets…
  • La biodiversité.
  • La santé et l’environnement, y compris la question des pesticides.
  • La fiscalité écologique.
  • La gouvernance écologique.
Il est d’ores et déjà acté que cette conférence se réunira désormais tous les ans. L’objectif étant, d’une part, de faire le point sur les progrès et les décisions réglementaires ou législatives, dont les premières devraient intervenir avant la fin du premier semestre 2013, et, d’autre part, de soumettre de nouveaux sujets à la réflexion. Les associations participantes seront les mêmes que lors du Grenelle de l’environnement, mais la table ronde sur la gouvernance examinera la question de nouveaux participants.
Le responsable de FNE ajoute que, lors de la table ronde sur la gouvernance, il faudra revoir les conditions de participation et inclure tout le mouvement environnemental dans le processus, y compris les petites associations lanceuses d’alerte qui ne regroupent pas des milliers d’adhérents, mais représentent une expertise incontournable, telle la Criirad [^2]. Serge Orru, qui renoncera fin septembre à ses fonctions de directeur du WWF France, partage les analyses écolo-économiques de nombreuses associations en martelant : «  S’il n’y a pas d’emplois derrière la transition écologique, nous pouvons tous aller à la pêche. Prenons la difficile mise en place de la trame verte : si elle n’offre pas de perspectives d’emploi, l’opinion publique n’en aura rien à faire. » Mais il se veut optimiste sur les résultats, estimant que le gouvernement n’a rien « en magasin » et qu’il faut en profiter pour présenter des propositions positives, préservant à la fois l’écologie et l’économie : « Qu’il s’agisse des syndicats ou du gouvernement, il faut les faire évoluer. Ce sera plus facile qu’il y a cinq ans, car tout le monde a déjà changé. »

Serge Orru est persuadé que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne se fera pas, pour des raisons économiques et parce que le gouvernement ne peut pas se permettre de mettre 100 000 personnes dans la rue. L’abandon, il y a quelques jours, du projet pharaonique de canal Nord-Seine, semble lui donner raison. Restent des associations qui ne participeront pas. Par exemple, l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), dont le président, Pierre Athanaze, explique qu’elle n’a pas été invitée : «  Pourtant, nous avions des choses à dire et à demander. Nous avons fait savoir que nous étions intéressés, mais pas de réaction du ministère. Nous avons du mal à comprendre, car on a toujours intérêt à dialoguer. Mais le gouvernement n’aime pas notre position sur les loups, la chasse ou le piégeage. Cet “oubli” est révélateur. »

Autre exclu, mais volontaire, le réseau Sortir du nucléaire, qui estime que la conférence ne sera qu’une mascarade n’offrant aucune garantie démocratique et qu’il n’a pas à cautionner un État « totalitaire » sur le nucléaire. Un choix que le responsable de Greenpeace comprend, même s’il ne l’approuve pas : « Nous avons les mêmes craintes, mais le nucléaire n’est pas notre seule préoccupation. Et, après tout, il est sain qu’il y ait des gens dedans et d’autres dehors. » Mais les commentaires de ceux qui participeront sont clairs, sinon unanimes : ils ne se laisseront pas manœuvrer comme lors du Grenelle de l’environnement, pendant lequel Jean-Louis Borloo avait roulé tout le monde dans la farine pour permettre à Nicolas Sarkozy de faire un grand discours écolo en guise de conclusion.

[^2]: Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité.

Publié dans le dossier
Les Verts face à leurs contradictions
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