Cinéma du réel : Le top des docs

Le festival Cinéma du réel offre une programmation toujours éclectique et exigeante.

Jean-Claude Renard  • 21 mars 2013 abonné·es

Une figuration onirique qui sortirait des ateliers de Dali. Avec ses personnages étranges, difformes, aux allures de Minotaure. Telle est la peinture de Bahman Mohasses. Une peinture marquée par un sentiment de fin du monde, sulfureuse, provocatrice. À l’image de l’artiste iranien. Disparu en 1954, comme évaporé des rues de Téhéran. Certains prétendent qu’il a regagné ses terres natales, à Rasht, sur les rives de la mer Caspienne. D’autres qu’il a rejoint l’Italie.

C’est à Rome, en 2010, que Mitra Farahani l’a retrouvé, dans une chambre d’hôtel. Dans une réclusion choisie. Quelques semaines avant sa mort. Le temps pour la réalisatrice de filmer un créateur détruisant ses propres créatures pour ne rien laisser en héritage, retraçant sa biographie « pour qu’aucun imbécile ne le fasse à son goût ». Sans rien perdre d’une humeur truculente, tout du long de ce Fifi hurle de bonheur, devant une caméra toujours sobre. Autre forme de réclusion, déclinée dans 31 St Haul, l’existence de deux routiers, aux confins des routes embourbées du Kamtchatka. Une existence partagée entre l’immensité des paysages et l’intérieur d’appartements où tout relève de modestie, des repas simples aux tapisseries décrépites. Des modesties filmées de près, sur lesquelles Denis Klebleev ne dit mot, qu’il ne surligne pas même d’un banc-titre.

Pas moins de réclusion pour les habitants d’une favela sur les hauteurs de Rio, contrôlée par les trafiquants de drogue. En guise de récréation, ça joue au cerf-volant, taquine le ballon. En 2011, les autorités ont installé une nouvelle unité de police pour pacifier les lieux. Tâche ardue dans un paysage urbain coloré, qui se passe de commentaire. Maria Ramos n’en fait précisément pas pour raconter cette Colline des plaisirs, suivant simplement la foulée de quelques habitants, la ronde ordinaire des uniformes. Ce sont là trois exemples de films présentés dans cette nouvelle édition du festival Cinéma du réel, consacré au documentaire, parmi une soixantaine d’œuvres sélectionnées, auxquelles s’ajoutent un focus sur le cinéaste indien Anand Patwardhan et une rétrospective du docu chilien. L’occasion de voir des films en dehors de tout format, du consensus. Des films originaux, aux paris éditoriaux difficiles et formellement remarquables. Qui disent un regard sur le monde.

Cinéma
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