L’aéroport a du plomb dans l’aile

Les opposants à l’aéroport sortent renforcés de leur quatrième hiver d’occupation et envisagent déjà « l’après ».

Erwan Manac'h  • 21 mars 2013 abonné·es

L’hiver s’est montré particulièrement rude sur la zone humide de Notre-Dame-des-Landes. Ni la pluie incessante, ni le vent, ni le froid humide qui pénètre sous les toiles de tente n’ont laissé de répit aux occupants de la « zone d’aménagement différé » (ZAD) visée par le projet contesté d’aéroport. Ils sortent pourtant renforcés de leur quatrième hiver d’occupation.

Deux cents à trois cents personnes ont élu domicile dans des cabanes perchées, flottantes ou montées sur pilotis ; des granges ou des chapiteaux ont été prêtés par les habitants. C’est environ deux fois plus qu’avant la vague de destruction, en octobre, d’une dizaine de fermes et d’habitations « illégales ». «   La préfecture n’avait pas compris que ce n’était pas un problème pour nous de vivre dans des conditions épouvantables », s’amuse un « zadiste » présent sur la zone depuis plusieurs années. À quelques jours de la fin de la trêve annoncée en novembre par Jean-Marc Ayrault avec la nomination d’une « commission de dialogue », un calme précaire est maintenu entre les occupants de la zone et les équipes de gendarmerie mobile qui se relaient jour et nuit aux carrefours stratégiques pour contrôler chaque passage. Mais l’ambiance demeure hostile et les petites provocations, « dans les deux camps », font parfois dégénérer le face-à-face. « C’est une occupation militaire aussi inutile qu’insupportable », tempête Marie, qui loue une petite maison à deux pas du principal lieu d’affrontement. Sous le regard des conducteurs qui continuent de circuler, les constructions avancent et plusieurs collectifs gèrent la vie quotidienne ou organisent les actions débattues chaque semaine en assemblée générale. Une cantine autogérée a été installée sur un champ prêté par un agriculteur et fonctionne grâce aux dons de nourriture des locaux et à de la récup.

Sur la ZAD, chacun concède que le dialogue est « lourd » et « difficile » au quotidien, « électrique » parfois, au sein de la coalition de circonstance entre les habitants de la zone et les militants qui les ont rejoints en 2009. Des voix anonymes se sont élevées dans la presse locale et dans une lettre aux autorités pour dénoncer les vols et les agressions dont seraient responsables certains « zadistes » et se plaindre de la dégradation des champs piétinés par les occupants pour éviter les barrages de gendarmerie. « Les gens passent entre 2 et 15 jours, et il y a très peu de personnes-relais », raconte Dominique Fresneau, habitant des lieux et coprésident de l’Association citoyenne des populations concernées par le projet d’aéroport (Acipa). Mais la reconnaissance est forte et réciproque. « On a infiniment réussi l’opération de résistance, parce que c’est ensemble que nous avons réagi », assure Marcel Thébault, un des derniers agriculteurs encore en activité sur la zone. « Il se passe quelque chose qui dépasse l’opposition à un projet d’aéroport », lance Jean-Luc, un bénévole venu soutenir pour 24   heures les paysans qui réoccupent la ferme expropriée de Bellevue. Les opposants au projet d’aéroport peuvent aussi compter sur quelque deux cents   comités de soutien prêts à délocaliser la lutte dans toute la France en cas de nouvelle opération. « C’est une réussite grandiose », se réjouit Marie.

Chacun se prête alors au jeu des pronostics et tente d’imaginer « quand et comment » le projet sera abandonné. Beaucoup d’espoirs se portent sur la « commission des pétitions » (Peti) du Parlement européen, chargée d’examiner des projets litigieux avant qu’un contentieux ne soit engagé devant la Cour européenne de justice. Les opposants à l’aéroport espèrent qu’un avis défavorable de cette commission – notamment sur le respect de la loi sur l’eau – offre au gouvernement une porte de sortie honorable et enterre le projet avant juin. La question de l’après est même déjà ouverte : 250 hectares de terre sont aujourd’hui inoccupés et leur partage ferait débat en cas de retrait du projet d’aéroport. « Ça devient compliqué, souligne Marcel Thébault, mais on devrait être capables de trouver de la place pour tout le monde, car les projets des zadistes ne demandent pas beaucoup de terrain. Ce sont des personnes que nous prendrons plaisir à accompagner.   »

Écologie
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