La fin de l’information ?

Dans un essai pédagogique, Jean-Jacques Cros dépeint un univers médiatique en mal de pluralisme.

Jean-Claude Renard  • 18 avril 2013 abonné·es
La fin de l’information ?
Médias : la grande illusion , Jean-Jacques Cros, éd. Gawsewitch, 248 p., 19,90 euros.

Ça commence par la situation délicate de France Télévisions. Le mode de nomination de son président, un mode qui n’a toujours pas été changé malgré les promesses électorales d’il y a un an ; un CSA qui n’a pas non plus les pouvoirs renforcés promis ; et des perspectives de fusion entre les rédactions de France 2 et France 3. Une fusion qui ne dit pas son nom, au prétexte de « développer les synergies », dans un plan baptisé « Info 2015 » et qui entend tout mettre en commun, y compris les rédactions, « même si leur philosophie et leur raison d’être sont historiquement très différentes, voire aux antipodes ». L’auteur de Médias : la grande illusion, Jean-Jacques Cros, est bien placé pour le savoir : il a été reporter à France 3. On le sait, du côté de la chaîne, on voit cela comme une absorption de la Trois par la Deux. Avec un seul goulet d’étranglement à la clé en termes d’information. Tandis que le personnel est aussi visé par un contrat d’objectifs et de moyens prévoyant mille départs, ajoutés à la réduction des intermittents et des CDD. Autant d’éléments imposée par le ministère, qui placent le service public sous tutelle. Si l’on n’est plus au temps de l’ORTF, le pouvoir a encore la possibilité de faire et défaire. Soit un contrôle indirect.

Dans la sphère privée, c’est pas mieux. Après ce tableau éclairant et désolé de France Télévisions, Jean-Jacques Cros poursuit sur la fin des médias indépendants. « Une concentration de la presse traduite par un regroupement des moyens d’information en un petit nombre de mains. » Un regroupement qui s’accompagne « d’un affaiblissement du poids des rédactions et du rôle des journalistes ». Pour eux, c’est la fin des coudées franches. « L’emprise des employeurs n’a jamais été aussi forte sur les médias qui leur appartiennent », souligne l’auteur (le statut de pigiste y répond, la précarité garantissant la docilité). Avant de décrypter longuement, avec nombre d’anecdotes et de cas exemplaires, ce qu’est devenu le journalisme dans son ensemble : une course à la productivité ; le manque de moyens ; la guerre au scoop ; le suivisme ; les reportages complaisants, sinon achetés, en faveur des puissants ; le pouvoir de censure des annonceurs ; l’impérieuse règle de « celui qui paie, décide » ; les impératifs d’audience qui nivellent et formatent ; une profession transformée en auxiliaire de communication ; les cumulards ; la spectacularisation ; le voyeurisme et une information low cost, sédentarisée. Sombre tableau, au bout duquel lecteurs, auditeurs et téléspectateurs sont entrés dans l’ère du soupçon. D’où seuls ceux formés au décryptage peuvent sortir. Si tant est qu’une offre des médias, diversifiée et indépendante, puisse encore exister.

Médias
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