Lettres d’amitié

La correspondance d’Albert Camus avec Louis Guilloux.

Olivier Doubre  • 28 novembre 2013 abonné·es

C’est leur échange épistolaire qui a fait naître et nourri leur amitié. Une correspondance d’abord respectueuse, discrète et distancée, marquée par le vouvoiement. Louis Guilloux, auteur du Sang noir, vit à Saint-Brieuc ; Albert Camus, qui connaît le succès avec l’Étranger et bientôt la Peste, est à Paris, chargé d’une collection chez Gallimard et directeur de Combat, qu’il a rejoint dans la clandestinité en 1942. Les deux hommes se connaissent peu, ils commencent à s’écrire en 1945 car Camus veut Guilloux dans la collection qu’il dirige. Leurs affinités communes les rapprochent ; leurs origines populaires, l’un dans la Bretagne pauvre du début du siècle, l’autre dans le quartier de Belcourt à Alger, sont pour beaucoup dans l’amitié toute en retenue que le lecteur voit s’affirmer au fil des pages. Assez vite finalement (dans une lettre de septembre 1946), Guilloux écrit : « Mon affection pour vous est profonde. Je voudrais bien que nous passions au tu – à bientôt – toujours »

Dans sa réponse, Camus, pudique et de quinze ans le cadet de Guilloux, recommence à utiliser le vous, avant de se mettre au tutoiement en plein milieu de sa missive, qu’il termine par : « Écris-moi. Dis-moi tes projets et où tu en es. Et n’oublie pas ton vieux frère. » Guilloux répond d’emblée : « Ton amitié m’est précieuse et nécessaire, elle m’aide à vivre. » Grande spécialiste de Camus, Agnès Spiquel-Courdille, qui a édité ce beau volume, écrit dans sa préface : « Entre eux, les affinités électives s’imposent comme une évidence. » Parlant beaucoup de leur « métier » d’écrivain dans leurs lettres, les deux hommes se découvrent peu à peu. Et l’éditrice de conclure : « L’amitié, c’est aussi ce chant profond qui devient commun. »

Littérature
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