Étapes d’une conquête

De 1981 à aujourd’hui, comment le PCF a perdu sa position dominante en Seine-Saint-Denis, au fil des élections.

Michel Soudais  • 5 décembre 2013 abonné·es

Aubervilliers, 8 mai 1988. Jacques Salvator, juché sur une table du bureau centralisateur, réclame, au nom des socialistes, la direction de la mairie, dont les élections sont annoncées pour l’année suivante. Dans cette ville de Seine-Saint-Denis dirigée par Jack Ralite, un des quatre ministres communistes du gouvernement Mauroy (1981-1984), François Mitterrand vient d’être réélu haut la main. Au premier tour, il a devancé de 13 points le candidat du PCF, André Lajoinie, quand, en 1981, Georges Marchais était encore 19 points devant lui. Dans tout le département, dominé jusque-là par le PCF, les scores se sont croisés. Du coup, les socialistes séquano-dyonisiens, qui ne gèrent que 5 communes de modeste importance sur 40 (Bondy, Épinay-sur-Seine, Livry-Gargan, Neuilly-sur-Marne, le Pré-Saint-Gervais) contre 20 pour le PCF, rêvent d’en découdre avec les communistes dans leurs fiefs.

Un peu partout, les socialistes montent des listes, mais ils devront finalement renoncer à les porter en vertu d’un accord PS-PCF tardif. En 1989, les municipalités changent peu de main. Situation reconduite quasiment à l’identique en 1995, quand le PS prend à la droite Noisy-le-Grand, Clichy-sous-Bois, Villepinte, trois communes dans l’est et le nord du département, mais perd Pavillons-sous-Bois. Le basculement se produit en 2001. À Pantin, le socialiste Bertrand Kern, allié aux Verts, devance de 272 voix au premier tour Jacques Isabet (PCF), qui accepte au second tour de se ranger derrière son rival. Mais, à l’Île-Saint-Denis (7 000 habitants), le Vert Michel Bourgain fait tomber le tabou du désistement pour le candidat de gauche le mieux placé : devancé au premier tour par la maire communiste, il se maintient et l’emporte. À l’élection municipale suivante, en 2008, quatre candidats socialistes se maintiennent entre les deux tours. Sans succès à La Courneuve, Saint-Denis et Bagnolet. Mais à Aubervilliers, Jacques Salvator s’impose grâce à l’appoint d’électeurs de droite ; le PCF crie au « vol ». À Montreuil, la même stratégie d’affrontement gauche-gauche permet à Dominique Voynet d’arracher la mairie au communiste Jean-Pierre Brard, avec l’appui discret de Claude Bartolone, qui, simultanément, ravit le conseil général au PCF. En 1998, le PCF y détenait encore la majorité absolue : 22 sièges sur 40, contre 10 au PS. Il l’a perdue en 2001 (16 sièges), sans que le PS progresse. En 2004, il ne sauve que 3 de ses 9 cantons soumis à réélection ; à égalité de sièges, le PS lui laisse la présidence. Pour mieux cueillir le fruit au scrutin suivant.

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