Gaza, territoire maudit

Asphyxiés par le blocus israélien, les habitants de l’enclave palestinienne subissent aussi les conséquences du changement de régime en Égypte, dans l’indifférence générale.

Imen Habib (Agence Media Palestine)  • 9 janvier 2014 abonné·es

L’unique centrale électrique de la bande de Gaza a recommencé à fonctionner dimanche, après la reprise des livraisons de fuel par Israël. Elle était arrêtée depuis le 27 décembre. Durant toute cette période, les habitants de l’enclave palestinienne ne disposaient d’électricité que six heures par jour. Auparavant, entre le 1er novembre et le 15 décembre, Israël avait déjà bloqué les livraisons de fuel, ce qui avait provoqué des coupures jusqu’à seize heures par jour, affectant les écoles, les hôpitaux et les usines de traitement des eaux. Le monde avait alors découvert, sans s’en émouvoir, des images de gamins pataugeant dans une mare fétide, alors que des pluies torrentielles avaient dévasté le territoire. Aujourd’hui, deux habitants sur trois ne reçoivent de l’eau potable qu’une fois tous les trois ou quatre jours.

Ces limitations d’électricité, aussi imprévisibles qu’arbitraires, illustrent parfaitement la politique israélienne de punition collective. Selon l’ONG israélienne Gisha, Israël a établi une liste de produits interdits d’entrée à Gaza. On y trouve aussi bien le chocolat et les bonbons pour les enfants que le ciment nécessaire à la reconstruction, le fer ou… des instruments de musique. Le blocus, considérablement renforcé récemment, a des conséquences d’autant plus dramatiques que les tunnels à la frontière entre l’Égypte et Gaza, véritables lignes de survie de la population, ont quasiment tous été détruits ces derniers mois par le nouveau gouvernement égyptien dirigé par les militaires. Fin 2013, le taux de chômage a atteint les 40 %. Même le secteur de la construction, l’un des rares à avoir réussi à croître sous le blocus, pâtit aujourd’hui lourdement de la chute des approvisionnements. Cinq ans après l’offensive israélienne « Plomb durci », qui avait fait 1 500 morts, dont, selon l’Unicef, un tiers d’enfants, Filippo Grandi, commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), estime que Gaza est devenu « inhabitable ». Au blocus proprement dit s’ajoute une politique d’agressions régulières. Les pêcheurs sont attaqués en mer, toujours plus près des côtes et bien en deçà de la limite des eaux territoriales de Gaza. Les agriculteurs sont ciblés dans leurs champs, surtout près de la frontière, où sont situées les terres agricoles les plus fertiles, mais aussi là où Israël a décrété une « buffer zone », zone tampon où son armée ouvre régulièrement le feu sur les paysans palestiniens, simplement parce qu’ils sont là.

Sans compter les bombardements fréquents qui continuent de tuer en toute impunité. Le soir de Noël, Hala, une fillette de 3 ans, est morte chez elle, victime d’une bombe israélienne. Ce qui frappe dans cette situation, c’est la relative indifférence du monde. À part quelques ONG engagées dans cette région du monde, il n’y a pas en faveur des habitants ou des enfants de Gaza d’appels à la solidarité ou d’élans humanitaires. Ce qui est paradoxal, puisque la catastrophe humanitaire de Gaza a ceci de singulier qu’elle est entièrement artificielle.

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