La Françafrique, ça n’existe plus…

La France continue invariablement d’intervenir dans la plupart des pays anciennement colonisés, où elle protège surtout ses intérêts commerciaux.

Denis Sieffert  • 13 février 2014 abonné·es

Parmi les débats interdits, la Françafrique jouit, si l’on peut dire, d’un statut particulier. Le débat n’est pas « interdit », puisqu’il est supposé avoir été réglé. Officiellement, il n’y a donc plus de Françafrique. « Je romprai avec la “Françafrique” en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité », affirmait le candidat Hollande dans sa 58e promesse de campagne. Affirmation contredite dès le mois de juillet 2012 lorsque le Président, fraîchement élu, se rendait – après quelques hésitations il est vrai – à Kinshasa au sommet de la francophonie, et cela au lendemain d’émeutes urbaines durement réprimées en République démocratique du Congo. Mais c’est peut-être Jean-Yves Le Drian, un proche parmi les proches de François Hollande, qui a le mieux illustré ce néologisme de Françafrique inventé jadis par l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny. En pleine crise en Centrafrique, notre ministre de la Défense annonçait tout de go : « Le Premier ministre et le président Djotodia […] sont des autorités de transition […]. Ces autorités sont provisoires, elles seront remplacées.   » Et ainsi fut fait. Un président africain destitué par la France, comme au bon vieux temps de Jacques Foccart ! L’histoire récente retiendra peut-être surtout les deux interventions militaires au Mali (janvier 2012) et en Centrafrique (décembre 2013). « On maquille des guerres du pétrole et de l’uranium en généreux combats pour les plus hautes valeurs humaines, et ça marche du tonnerre », analysent Aminata Traoré et Boubacar Diop dans un ouvrage récent [^2].

C’est évidemment le fond de l’affaire. Mais le même Boubacar Diop reconnaît la complexité du problème quand il note, quelques pages plus tôt à propos de l’intervention française au Mali : « L’inquiétant, c’est que le peuple malien n’a pas eu le choix ou, plutôt, qu’il ait eu à choisir entre des barbares déchaînés et une occupation étrangère si corrosive et subtile qu’elle en devient indolore. » Autrement dit, il arrive un moment où il n’y a plus de bonne solution et où la liesse populaire accueille l’armée française qui empêche l’avancée des islamistes. Les interventions militaires sont donc moins la cause que la conséquence de la Françafrique, c’est-à-dire de la survivance d’une relation de type colonial. Si la France intervient au Mali, c’est qu’elle est déjà là, protégeant les intérêts d’Areva au Niger. Ici l’uranium, ailleurs le pétrole.

[^2]: La gloire des imposteurs , éd. Philippe Rey (voir aussi notre entretien avec les auteurs dans Politis n° 1286).

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