Un pèlerin pasolinien

Avec Orchidées , Pippo Delbono mène une nouvelle quête de la beauté.

Gilles Costaz  • 13 février 2014 abonné·es

Jusqu’alors, Pippo Delbono restait beaucoup en scène, pour parler aux spectateurs, émettre toutes sortes d’observations, faire entendre ses poèmes, chanter. Dans son nouveau spectacle, Orchidées, il préfère le plus souvent la voix off. Tandis que des images défilent sur un grand écran ou tandis que ses acteurs sont en scène, sa voix surgit des amplificateurs. Il vient, bien sûr, rejoindre son équipe, mais il semble s’effacer derrière ses amis – auxquels il donne un temps égal sur la scène – et ce qu’il compose, quitte à faire retentir ses textes plus violemment. Quel est le thème d’ Orchidées  ? Ce sont plutôt diverses idées qui s’éparpillent comme les graines des fleurs. « L’orchidée est une fleur double, on ne sait pas si elle est vraie ou fausse, si c’est un mensonge ou la vérité », affirme Delbono, indiquant ainsi que son spectacle porte sur les certitudes et les incertitudes d’aujourd’hui. Mais, une fois encore, il s’agit plus profondément de la beauté. Qu’est-ce qui est beau, réellement, par rapport aux canons du joli et du parfait qui règnent dans nos sociétés ? Question tout autant politique qu’esthétique. On sait que Pippo Delbono aime les corps et les gestes différents. Le fameux Bobò, qu’il a arraché à un hôpital psychiatrique, est l’exemple de cette humanité méprisée à laquelle il entend rendre toute sa noblesse. Bobò est toujours là, dans un fauteuil roulant. Avec lui il y a des hommes un peu trop gros, des femmes un peu trop minces : tous splendides ! Quand ils dansent, ils semblent inventer leurs mouvements.

Delbono ne nous a jamais autant projeté d’images de fleurs ! Mais ce lyrisme de la nature alterne avec des séquences où l’on voit le pape François regardant étrangement des gymnastes, un péplum jadis interdit par Mussolini, des moments saisis dans des pays africains ou un reportage où une jeune femme explique comment empêcher les garçons de devenir homosexuels. C’est une bouillie ? Plutôt du bouillon ! C’est brûlant, c’est composé d’éléments disparates, mais comme un brassage, ou une cueillette. Les acteurs traversent souvent la scène en ligne droite ou parcourent les travées de la salle. Les spectacles de Pippo Delbono sont des errances éclairées. C’est un pèlerin pasolinien. En scène, il poursuit son infatigable voyage parmi les vivants, décelant et transmettant la beauté véritable.

Théâtre
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