Qui sont les «masculinistes» ?

Battus, dominés, discriminés… Qui sont ces hommes « victimisés » ? Que disent-ils ? D’abord, qu’ils n’ont rien à voir avec ce dont les féministes les accusent…

Pauline Graulle  • 6 mars 2014 abonné·es

Ils seraient quelques milliers de sympathisants, une trentaine de véritables activistes. Galvanisés par le récent renouveau réactionnaire, les « masculinistes » ont trouvé un écho inattendu. Peu à peu, la thèse d’un homme « victimisé » par un féminisme revanchard – duquel l’homme devrait à son tour prendre sa revanche ! – s’est infiltrée dans la société française. Portée par le magazine Causeur et sa pétition « Touche pas à ma pute ». Diffusée sur Internet via les vidéos de l’essayiste homophobe, misogyne et antisémite Alain Soral. Relayée sur les plateaux télé par le journaliste Éric Zemmour, distillant ses propos « anti-fémininement corrects »  (sic) sur l’intelligence « différente » des femmes, la « féminisation des hommes », et le bon temps où le pater familias régnait en maître incontesté.

À l’ombre des mobilisations contre le mariage gay, dans le terreau fertile des nouvelles questions juridiques posées par les transformations de la famille traditionnelle, a fleuri une myriade d’associations. Le site mascuwatch.org recense une cinquantaine de groupuscules, plus ou moins de droite, plus ou moins anti-féministes et homophobes : les Hommen (parodie des Femen, qu’ils exècrent), Osons les pères, SOS Hommes battus, Barbes à papas, le Printemps des pères…

Dans cette nébuleuse, SOS Papa, vingt-trois ans d’existence, 16 000 adhérents revendiqués, est l’organisation la plus visible. Sous ses abords respectables – anciennement parrainée par l’actrice Anny Duperey, l’association est reçue à Matignon comme à France Inter –, elle est pourtant des plus ambiguës. L’an dernier, était précipitamment retirée de son pimpant site Internet une tribune de son fondateur, qui jugeait que la loi sur le mariage gay avait été téléguidée « par le lobby lesbio-féministe pour obtenir les enfants qu’elles ne peuvent produire entre elles ».

Aujourd’hui, Jean Latizeau, le nouveau président, assure que les liens ont été rompus avec la Manif pour tous – qui continue néanmoins de compter SOS Papa au nombre de ses « partenaires ». Et jure par tous les saints que son association ne revendique que « l’équité, et tant qu’à faire l’égalité, en matière de parentalité en cas de séparation ». Une égalité qui est loin d’être respectée, affirme Jean Latizeau, statistiques à l’appui, puisque, en juin 2012, sur 325 demandes de résidence alternée, 75 % des pères ont été éconduits. Pour de bonnes raisons ? Parce que la justice est acquise aux femmes, bien sûr !

De là à y voir l’œuvre d’un complot féministe ? Patrick Guillot n’est pas loin de le penser. Initiateur, dans les années 2000, du Groupe d’études sur les sexismes (GES) – une centaine de membres revendiqués –, celui qui se présente comme un « hoministe » (avec un seul « m », comme sa racine latine «  homo  », désignant « l’être humain ») est considéré par le collectif Stop masculinisme comme « l’un des militants les plus actifs et l’un des “penseurs” les plus productifs du mouvement masculiniste ».

Pour ce documentaliste lyonnais à la tête du site lacausedeshommes.com, manne bibliographique pour qui verse dans les thèses sur la domination féminine, tous les maux viendraient de la « misandrie ». Une idéologie de la « haine des hommes » dont il dit avoir été la victime au sein de sa propre famille. Et qui aurait conquis, en un demi-siècle, la société entière.

Résultat : des hommes victimes de violences conjugales, de paternités imposées, de fausses accusations d’abus sexuels… Et qui n’ont, depuis la loi du 4 mars 2002, même plus le droit exclusif de donner leur nom de famille à leur progéniture ! Une « discrimination » qu’il explique : « On a tellement insisté sur le droit des femmes que la balance s’est déséquilibrée. »

Exemple : le « 3919 », ce numéro Vert d’écoute assuré par Violences femmes info, fait « pour » et « par » des femmes, alors que « quand un homme s’est fait battre, il n’a peut-être pas envie d’avoir une femme au bout du fil ».

Les différences salariales entre hommes et femmes ? Elles n’ont qu’à pas choisir le travail à temps partiel ou des métiers mal payés, estime Patrick Guillot. Les statistiques sur les tâches ménagères ? « Du bidon ». La domination masculine ? « Excessif »  : « Quand les hommes faisaient la guerre et revenaient “gueule cassée”, vous ne croyez pas qu’ils auraient préféré rester à la maison ? »

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