La décomposition du monde

La crise écologique amplifie la crise sociale et les conflits.

Jérôme Gleizes  • 19 juin 2014 abonné·es

Il y a un siècle, le 28 juin 1914, étaient assassinés François Ferdinand, l’héritier de l’empire austro-hongrois, et son épouse à Sarajevo. Cet assassinat est souvent considéré comme l’événement déclencheur de la Première Guerre mondiale. L’allumette qui mit feu aux poudres. Aujourd’hui, un nouveau brasier se prépare, de nature différente, notamment du fait de la crise écologique.

L’humanité est entrée dans l’anthropocène, une nouvelle ère où l’être humain est devenu un acteur géologique, capable de modifier l’équilibre de la planète. Dans un article publié dans Nature en 2012 [^2] n° 486.]], 22 scientifiques montrent qu’il y a une accélération de la perte de biodiversité, des fluctuations climatiques de plus en plus extrêmes, une interconnexion grandissante des écosystèmes et un changement radical du bilan énergétique global. « Il y a une probabilité très élevée que le prochain changement d’état global sera extrêmement perturbateur pour nos civilisations », disent-ils. Le dernier rapport du Groupe d’experts gouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) confirme les hypothèses : une hausse du niveau des mers, tous scénarios confondus, située entre 29 et 82 cm d’ici à la fin du XXIe siècle, qui affecterait directement 600 à 700 millions de personnes, une hausse des températures jusqu’à 4,8 °C. La Banque mondiale s’en inquiète. L’insécurité alimentaire et les problèmes sanitaires en seront exacerbés.

La crise écologique amplifie la crise sociale. La raréfaction des ressources naturelles comme l’eau ou les stocks de poissons, ou des ressources non renouvelables, notamment énergétiques, accroît les luttes pour leur accès ou leur contrôle. L’expansion démographique également. La Chine, le Japon et la Corée du Sud se disputent des îles et des zones maritimes. Des conflits imprévisibles il y a cinq ans éclatent, comme ceux du Mali, de Syrie, entre l’Ukraine et la Russie. En plus des conflits sans fin en Somalie, au Soudan, en République démocratique du Congo… La kalachnikov est devenue un outil de production, en organisant une économie du pillage.

La raréfaction de l’énergie fossile entraîne son renchérissement, qui conduit à l’exploitation de sources de plus en plus polluantes, comme les gaz de schiste. Alors qu’il faudrait réduire leur consommation, c’est le contraire qui se produit, amplifiant ainsi leur impact sur le climat. Une fuite en avant inquiétante, provoquant conflits, modification climatique, appauvrissement des classes les plus précaires… La crise des subprimes a révélé de manière inattendue cette situation.

Au Nord comme au Sud, les écarts de revenus atteignent des niveaux inégalés depuis un siècle, engendrant des frustrations, des tensions, la tentation grandissante des replis identitaires et la montée des mouvements sectaires. L’aliénation croissante bloque les mécanismes d’émancipation. Les mouvements autoritaires et d’extrême droite progressent.

Pendant ce temps, en France, François Hollande essaie de mimer ses prédécesseurs. Incapable de s’adapter à la singularité de la situation, il participe au processus de déliquescence en cours, favorisant la montée en puissance du Front national de Marine Le Pen.

[^2]: « Approaching a state shift in Earth’s biosphere », [[Nature

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