Pierre Larrouturou : « Le PS est mort, mais la gauche est bien vivante »

Le cofondateur de Nouvelle Donne tire un premier bilan de sa formation. Il prône une transformation écologique et sociale, mais reste prudent sur la question d’un rassemblement à gauche.

Denis Sieffert  et  Sarah Masson  • 26 juin 2014 abonné·es
Pierre Larrouturou : « Le PS est mort, mais la gauche est bien vivante »
© **Pierre Larrouturou** est conseiller régional d'Île-de-France. Photo : AFP PHOTO / PATRICK KOVARIK

Nous entamons une série d’entretiens avec les courants de la gauche critique par cette rencontre avec le cofondateur de Nouvelle Donne. Un nouveau parti qui recueille un certain succès, mais dont les contours restent à définir.

Où en est Nouvelle Donne un mois après les européennes ?

Pierre Larrouturou : Le bilan est plutôt bon. Nouvelle Donne a rassemblé 550 000 voix et compte 10 000 adhérents. Mais notre joie reste limitée, car notre pays est dans un moment de pourrissement politique et social, comme en témoignent le score du Front national, le taux d’abstention, le score historiquement bas du PS et du reste de la gauche, et l’explosion de l’UMP. On peut sérieusement dire que la République est en danger. Et le gouvernement, au lieu de prendre en compte la gravité de la crise sociale et politique, est dans l’optique de passer en force avec le 49-3 et la menace d’une dissolution. Dans ce paysage dévasté, Nouvelle Donne est plutôt un motif d’espérance.

Pensez-vous, comme Manuel Valls, que la gauche soit en danger de mort ?

Non. Le PS, lui, est mort, mais la gauche est bien vivante. Il n’y a jamais eu, dans le mouvement associatif, autant de citoyens voulant réfléchir à une alternative sociale et écologique, et qui, malgré toutes les déceptions, continuent de croire en la justice sociale. Pour avoir un beau projet, il suffirait de se rassembler. Quand je croise des socialistes, je les trouve désespérants. Cela fait vingt ans qu’ils ne réfléchissent plus. L’appel des députés « frondeurs » montre que les choses sont peut-être en train de bouger pour certains, mais rien n’est fait.

**Dans ce contexte, que peut apporter Nouvelle Donne ? **

D’abord, la jeunesse. Nous sommes très contents quand on nous dit qu’on n’a jamais vu autant de jeunes dans des meetings politiques. Beaucoup nous ont dit que nous avions conduit la campagne la plus pédagogique et la plus joyeuse. Notre accès aux radios et à la télévision était restreint, mais, par Internet et nos meetings et réunions de terrain, nous avons montré qu’il existe des solutions. Sept ans après le début de la crise, on n’a toujours rien fait pour réguler les banques, dominer la finance, lutter vraiment contre les paradis fiscaux. Il y a donc beaucoup de raisons d’être en colère, mais le rôle du politique n’est pas seulement d’exprimer de la colère, il est aussi de montrer les solutions concrètes.

Nouvelle Donne, c’est un parti ou un club de discussion ?

C’est un véritable parti politique, avec 150 groupes locaux. Nos journées d’été accueilleront 1 500 personnes à Amiens, et un congrès est prévu à l’automne. Ensuite, nous mettrons en place des instances démocratiques aux niveaux départemental et national. Nous réfléchissons aux moyens d’être novateurs en matière de démocratie. Nous sommes le seul parti politique où la désignation des candidats pour les européennes s’est effectuée par des jurys d’adhérents tirés au sort, et nous avons accepté ces listes sans réserve. Ce qui a permis l’arrivée de jeunes têtes de liste. Notre première députée, Isabelle Attard, fait partie des rares élus transparents sur l’usage de la réserve parlementaire. Les 130 000 euros de ce fonds sont d’ailleurs gérés par des citoyens tirés au sort. À un moment de crise politique et de défiance, nous voudrions montrer que notre façon de faire de la politique est différente. Nous allons prendre six mois pour travailler sur nos structures démocratiques et permettre, de façon paritaire et respectueuse de la diversité de nos parcours, à tout adhérent d’accéder à nos instances. Nous sommes pour la biodiversité politique.

Vous inscrirez-vous dans une tentative de rassemblement de la gauche sociale et écologiste ou prendrez-vous le risque d’apparaître comme un parti de plus ?

Il existe une vraie attente de rassemblement, mais nous nous heurtons tous au problème de la confiscation du pouvoir. On dit beaucoup que la crise vient de l’accaparement des richesses par 1 % de la population, mais elle vient aussi des 0,1 % qui s’accrochent au pouvoir. Quand vous parlez de rassemblement, cela suppose qu’on clarifie les choses. Il ne peut s’agir ni de cartels ni d’accords d’appareils.

Vous dites que des militants du Front de gauche vous ont rejoints, mais aussi des adhérents du MoDem. N’est-ce pas étonnant ?

Si l’on nous rejoint, c’est parce que nous formulons des propositions concrètes. Et ceux qui nous rejoignent sont souvent des personnes qui ont travaillé ensemble dans le collectif Roosevelt, que nous avons créé avec Stéphane Hessel, Michel Rocard et d’autres. Nous avons des personnalités comme Susan George, la présidente d’honneur d’Attac, qui prend sa carte dans un parti politique pour la première fois, et Alain Godard, ancien patron de Rhône-Poulenc Agrochimie, qui a démissionné lorsqu’on lui a demandé de licencier 800 personnes. Ces deux personnes, qui étaient dans des sphères très différentes, ont finalement les mêmes valeurs et sont heureuses de travailler ensemble. Nous faisons volontiers nôtre la phrase de Vaclav Havel : « Chacun de nous peut changer le monde. »

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