Libres auditeurs d’Arte Radio

Reportages, docus, fictions… La station continue de se démarquer par son éclectisme et son exigence. Témoin : un bijou sur les dessous du futur Grand Stade lyonnais.

Jean-Claude Renard  • 23 juillet 2014 abonné·es

Lyon aura bientôt son Grand Stade, avec ses 60 000 places, un complexe gigantesque ouvert 365 jours par an, abritant le centre d’entraînement des joueurs de l’Olympique lyonnais (OL), deux hôtels, un espace de loisirs, un club de remise en forme et des bureaux immobiliers. Remise des clés fin 2015. Un chantier de plusieurs centaines de millions d’euros (pas loin de quatre cents, soit le double de ce qui était prévu). Dans l’est lyonnais, à Décines, on bétonne 45 hectares, entre le stade, les parkings et l’échangeur autoroutier. Avec son lot d’expulsions, d’expropriations, d’enquêtes publiques bafouées, de pressions, d’intimidations, de favoritisme. Le Grand Stade, c’est « un combat financier mais aussi démocratique », selon l’association Carton rouge, constituée pour l’occasion contre l’OL – et plus précisément contre cet OL Land aux allures de pieuvre, si l’on songe à OL Taxi, OL Coiffure, OL TV, etc.

Le toutim orchestré par Jean-Michel Aulas, pour qui le foot n’est qu’un accessoire de plus en termes de revenus. Et un Grand Stade bâti avec la bénédiction du Progrès, le quotidien local (dont l’imprimerie est chargée du magazine de l’OL), et celle de Gérard Collomb, maire PS de Lyon. Au-delà de la critique d’une construction absurde (Lyon possède déjà son stade de Gerland, doté de 40 000 places), c’est un décryptage du système Aulas que livrent Jean-Baptiste Fribourg et Olivier Minot dans leur reportage À ce stade, Lyon ne répond plus. Un système régnant sur la région Rhône-Alpes, raconté sur un ton tragico-ironique. Bienvenue dans une cosmogonie mêlant foot, business, politique et pouvoir. C’est là l’un des derniers travaux accessibles sur le site d’Arte Radio. Un bijou radiophonique parmi d’autres. Comme celui réalisé par Alexandre Duval sur cette jeune génération des années 1990, l’oreille accrochée à son poste, tard dans la nuit, faisant son apprentissage sexuel, confiant ses premiers émois et doutes sur Fun Radio ou Skyrock, bousculant les ondes. Soit un documentaire a priori sociétal mais concentré sur des années radio, à coups d’archives et de témoignages. Depuis une dizaine d’années, sous la houlette de Silvain Gire et de Christophe Rault, cofondateurs du site, Arte Radio décline une offre éclectique, avec des programmes originaux, d’une poignée de minutes à plus d’une heure, entre fictions, créations sonores, reportages et chroniques. Une radio pionnière dans le podcast, sans fréquence mais sur Internet, sans coupures publicitaires, sans rendez-vous fixe, sans programmes, sans flux continu. Où l’on ne trouve ni point de circulation, ni météo, ni revue de presse, ni journal d’informations. Ou plutôt un autre regard sur l’info, détaché de l’actualité, au milieu de créations singulières, qui laisse à l’auditeur la possibilité de choisir, de piocher. Et le choix est large. On parle de politique, de société, de culture, de voyages et d’ailleurs. Ici, une histoire de la musique noire, un journal de stage et sa lecture des contrats précaires chez les bac + 5 ; là, des artisans au travail ou les déambulations amoureuses d’une jeune femme ; là encore, les exilés fiscaux en Belgique, un road-movie immersif au pays des pagodes en Birmanie, une rubrique autour du rap et des cultures urbaines…

Une constance dans ces programmes : une attention au son, aux voix et au montage, jouant sur les silences, les tensions, et dont la ligne éditoriale serait de ne pas en avoir, s’exprimant en toute liberté. « Arte Radio écoute le monde et les vies qu’on y mène, confie Sylvain Gire. C’est conçu comme une revue papier, avec des temps et des rythmes différents. On n’a jamais été dans un schéma classique de radio. On travaille pour une écoute dont on sait qu’elle sera intime, à la manière d’un lecteur. Et si l’on a fait sauter le rendez-vous, il est réintroduit à travers des signatures fortes, des auteurs, des écritures différentes. » Des écritures dont font partie Claire Hauter, Mehdi Ahoudig, ou dont témoigne le travail d’Alexandre Duval ou Jean-Baptiste Fribourg et Olivier Minot.

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