« Égalité hommes-femmes : un retour en arrière »

Harcèlement de rue, éducation à l’égalité filles-garçons, prostitution, PMA et GPA : la secrétaire d’État aux Droits des femmes, Pascale Boistard, fait le point sur les grands débats sociétaux à venir.

Lou-Eve Popper  • 11 décembre 2014 abonné·es
« Égalité hommes-femmes : un retour en arrière »
© Photo : AFP PHOTO / MIGUEL MEDINA

Ancienne députée de la Somme, Pascale Boistard est arrivée aux responsabilités à la faveur du deuxième remaniement ministériel. Nommée secrétaire d’État aux Droits des femmes, elle souhaite poursuivre l’action de Najat Vallaud-Belkacem, à qui elle a succédé.

Le harcèlement dans l’espace public est dénoncé par les associations et les femmes elles-mêmes. Qu’envisagez-vous face à cela ?

Pascale Boistard ≥ Aujourd’hui, on constate que les voyageurs qui sont témoins d’une situation de harcèlement dans les transports publics sont parfois démunis pour réagir [^2]. Pour réagir davantage et mieux, ils doivent être informés. Peu de temps avant que paraissent, en octobre, les dernières études sur le sentiment d’insécurité, j’ai pris contact avec mon homologue au transport, Alain Vidalies, et nous avons mené une première réunion avec les différents acteurs. S’agissant d’une question de sécurité, une deuxième réunion s’est tenue ensuite avec le ministère de l’Intérieur. Cette problématique du harcèlement sera traitée sous plusieurs angles. D’abord le harcèlement de rue, mais aussi les violences et le harcèlement dans les transports publics. Il faudra également agir sur l’urbanisme et le sentiment d’insécurité dans l’espace public. Avec Myriam El Khomri, secrétaire d’État chargée de la Politique de la ville, nous avons mis en place, sous l’égide de l’association France Médiation, des marches exploratoires. Ces enquêtes de terrain consistent notamment à évaluer les facteurs qui permettent de se sentir bien dans l’espace public.

Les comportements sexistes dans l’espace public peuvent-ils être pénalisés, comme en Belgique ?

Les insultes sont déjà réprimées par la loi. Il faut trouver des solutions qui permettent d’agir sans mettre un policier derrière chaque personne. C’est pour cela que je souhaite travailler de manière plus large, afin que chaque acteur se sente concerné par la lutte contre le harcèlement dans l’espace public et puisse agir à son niveau

Qu’est ce qui va remplacer les ABCD de l’égalité à l’école ?

La ministre de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, a rappelé qu’elle voulait revenir sur cette question. La formation des enseignants devra leur permettre, à travers le savoir qu’ils transmettent, d’intégrer la question de l’égalité filles-garçons. Ce thème doit aussi être présent dans les manuels scolaires. Cela fait partie de l’éducation civique que d’intégrer l’égalité filles-garçons à l’école. Nous serons donc vigilants sur les ouvrages scolaires, les travaux pratiques et la formation. Aujourd’hui, parler d’égalité filles-garçons à l’école est presque devenu contestable. À mon époque, on nous apprenait à l’école que chacun pouvait faire de sa vie ce qu’il voulait. Aujourd’hui, on note malheureusement un retour en arrière que nous ne devons pas accepter.

Où en est le débat sur la pénalisation des clients de prostitué(e)s ?

Tout d’abord, je veux préciser que la proposition de loi est bien plus globale : il s’agit de renforcer la lutte contre le système prostitutionnel. La commission spéciale du Sénat chargée d’examiner ce texte n’a achevé son travail qu’en juillet. Ensuite, il y a eu l’interruption estivale, puis les élections sénatoriales. Le gouvernement souhaite que, lors de la conférence des présidents du Sénat, en janvier, la loi soit inscrite à l’ordre du jour au cours du premier semestre 2015. En fonction de la date choisie au Sénat, nous pourrons ensuite la fixer sans attendre dans le calendrier de l’Assemblée nationale. Il faudra aussi voir comment évolue cette loi au Sénat, qui a changé de majorité. En tout cas, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que les parlementaires puissent continuer à discuter de la loi et la voter définitivement. Je suis confiante. Pour ma part, j’ai voté cette loi avec la sanction du client, il n’y a aucune raison pour que les députés aient changé d’avis.

Et le débat sur la PMA ?

On a confié au Comité consultatif national d’éthique (CCNE) le soin d’émettre un avis qui ne cantonne pas le débat au mariage pour tous. La PMA existe en France pour les couples hétérosexuels, mais avec un cadre extrêmement précis, que certains qualifient de trop rigide. Quoi qu’il en soit, le CCNE est de train de réfléchir à cette question de façon plus large. Notamment sur la modification et l’assouplissement des règles pour les couples hétérosexuels, mais aussi sur l’élargissement pour des célibataires ou des couples de même sexe.

Et sur la GPA ?

Je suis opposée à cette pratique, tout comme le gouvernement. Manuel Valls a été très clair sur ce sujet. Cette marchandisation du corps humain, cette expression d’une domination socio-économique qui s’exerce sur les femmes n’est pas acceptable. Je ne sous-estime pas la souffrance de ne pouvoir avoir un enfant, mais je considère que cela ne peut se résoudre au détriment des femmes qui les portent.

[^2]: 85 % des femmes pensent que personne ne viendrait les secourir en cas d’agression dans le métro parisien, selon une étude de la fondation Thomson Reuters (www.trust.org).

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