Grèce: le gouvernement décroche une trêve

Faute de soutiens dans la zone euro, le gouvernement d’Alexis Tsipras a dû consentir de lourdes concessions. Sans renoncer toutefois aux mesures d’urgence du programme de Syriza.

Michel Soudais  • 24 février 2015 abonné·es
Grèce: le gouvernement décroche une trêve
© Photo: CITIZENSIDE/NICOLAS KOUTSOKOSTAS / CITIZENSIDE.COM

L’accord conclu entre l’Eurogroupe et le nouveau gouvernement grec le 20 février, a donné lieu à des interprétations opposées. La tonalité générale, autant chez les éditorialistes libéraux que dans les rangs de l’extrême gauche, le présente comme une capitulation d’Alexis Tsipras. Elle insiste sur le fait que ce dernier a obtenu une extension du programme d’assistance financière pendant quatre mois (et non six comme il le souhaitait), mais au prix du maintien d’un encadrement strict de la Grèce par « les institutions » – appellation qui remplace la troïka dont Athènes ne voulait plus entendre parler – représentatives de ses créanciers (BCE, Commission européenne, FMI). Tout continuerait donc comme avant.

Pour preuve, le texte n’envisage d’ailleurs aucune restructuration de la dette et fait état de « l’engagement sans équivoque [des autorités grecques] à honorer leurs obligations financières envers tous leurs créanciers, pleinement et dans les temps » . Pire, pour satisfaire les remboursements de cette dette, il maintient l’objectif d’un excédent primaire de 4,5 % du PIB en 2016. Athènes a toujours le couteau sous la gorge ; l’intransigeant ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, a obtenu ce qu’il voulait, et des élus de Syriza, tel l’eurodéputé Manolis Glezos, 92 ans, héros de la résistance grecque, s’insurgent contre « cette aberration [qui] va bien au-delà de toute limite de compromis » (Lire ici).

Il est toutefois inexact de prétendre que le gouvernement d’Alexis Tsipras n’a rien obtenu en échange de ces lourdes concessions. Le communiqué de l’Eurogroupe prévoit, maigre concession des argentiers de la zone euro, que le processus de réformes a pour but notamment de « permettre la justice sociale » . Il accepte surtout de rendre au gouvernement grec une autonomie dans la définition des mesures qu’il veut mettre en œuvre pour respecter ses engagements. Cette forme de « souveraineté limitée » est déjà un progrès au regard du programme d’extension envisagé avant les élections du 25 janvier. Les nouvelles mesures exigées alors par la troïka prévoyaient 160 000 licenciements supplémentaires dans l’administration, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation, une nouvelle baisse des retraites de 10 %, une hausse de la TVA sur certains produits et domaines clés comme le tourisme, des ponctions sur les salaires et de nouvelles réductions sur les prestations sociales (Voir sur Okeanews.fr).

La liste d’engagements transmises à Bruxelles dans la nuit de lundi à mardi s’en ressent. « Nous avons décidé d’en finir avec l’austérité en pilotage automatique » , a martelé le ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, sur CNN, évoquant « une série de mesures atténuant la pauvreté » . Outre la lutte contre l’évasion fiscale et la corruption, cette liste comprend une série de mesures en faveur des plus défavorisés. Il est notamment question de fourniture d’électricité gratuite à des familles dans le besoin, d’accès gratuit aux services de soins, distribution de coupons d’aides alimentaires et de transport pour les plus modestes. L’ensemble de ce dispositif avait été évalué par Syriza, avant les législatives, à 1,8 milliard d’euros. La liste grecque prévoit en outre de « réviser » le programme des privatisations non encore engagées, sans revenir sur celles achevées, et garde l’objectif d’augmenter le salaire minimum sans préciser de calendrier et de niveau de relèvement.

Mardi, au terme d’une conférence téléphonique de deux heures , les dix-huit ministres des Finances de la zone euro ont jugé cette liste « suffisamment complète » pour donner leur feu vert à la poursuite du programme d’assistance à la Grèce. Le nouveau pouvoir à Athènes a désormais quatre mois devant lui. Une trêve avant d’autres négociations.

Politique
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