PS : les enjeux d’un congrès

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le congrès du PS, sans jamais oser le demander…

Pauline Graulle  • 5 avril 2015
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PS : les enjeux d’un congrès
© Photos: Emmanuel Maurel, Benoît Hamon, Jean-Christophe Cambadelis (Michel Soudais/Politis), Martine Aubry (Philippe Huguen/AFP)

Défait par les départementales et miné par les divisions, le PS prépare son congrès dans une ambiance plus tendue que jamais. Retour sur les principaux enjeux de ce rendez-vous des 5, 6 et 7 juin prochains, où pourrait bien se jouer la survie du Parti socialiste.

Qu’est-ce qui va se jouer à Poitiers ?

_ Rendez-vous régulier de la vie du Parti socialiste, le congrès a pour objectif de définir l’axe majoritaire du parti et de renouveler ses instances de direction. Sur le papier, le congrès de Poitiers devrait donc être l’occasion de clarifier la ligne idéologique d’un PS qui, singulièrement depuis le début du mandat de François Hollande, se déchire entre socio-démocrates et socio-libéraux.

_ « La vraie question, c’est : “est-ce que le PS défend ses électeurs ou est-ce que le PS défend le gouvernement” ? » , résume Pouria Amirshahi, député frondeur des Français de l’étranger. Ou pour le dire autrement : le PS doit-il, comme le souhaitent les frondeurs, rester fidèle au programme social-démocrate de François Hollande en 2012, ou faire le choix d’un libéralisme décomplexé porté aujourd’hui par les deux têtes de l’exécutif, comme l’ont fait avant lui les gauches britannique, allemande et italienne ? Un dilemme expliqué (ici) par le politologue Philippe Marlière : « Soit le PS se transforme en parti post-social-démocrate sous les assauts de Valls et de Hollande […]. [Soit] la démarche commando de Valls et de Hollande et la rupture totale avec les promesses et le programme de 2012 provoquent, in fine, une coupure dans le parti, avec des départs, comme il y en a eu au Pasok grec » . Bref, ce qui est en jeu dans le congrès de Poitiers, n’est ni plus ni moins que la renaissance ou la mort d’un PS « de gauche ».

_ Las !, tout le monde n’a pas intérêt à cette clarification idéologique. Et au premier chef, le Premier secrétaire national actuel, Jean-Christophe Cambadélis. Pour être reconduit à son poste (où il a été nommé – et non élu – en remplacement d’Harlem Désir en avril 2014), il entend sauvegarder l’unité de façade du parti en étouffant les débats de fond. La tentation de dépolitiser le congrès est donc grande, au risque que le congrès de Poitiers tourne court sans que personne n’ait tranché sur la direction idéologique : « Il ne faudrait pas que le congrès se transforme en congrès de combinaisons plutôt que de convictions, ce serait suicidaire » , avertit un frondeur.

Quelles sont les forces en présence ?
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_ Le collectif « Vive la gauche », qui rassemble l’aile gauche du PS, va présenter une motion contre celle déposée par le Premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis. « C’est acté qu’il y aura, au bout du compte, une motion réunissant Benoît Hamon et Emmanuel Maurel, mais aussi Aurélie Filippetti et des proches d’Arnaud Montebourg » , affirme un membre d’Un monde d’avance, le courant de Benoît Hamon, qui se partage l’aile gauche avec Maintenant la gauche, le courant d’Emmanuel Maurel.
_ Reste plusieurs inconnues : Martine Aubry ira-t-elle soutenir la motion des frondeurs ? En proposera-t-elle une propre ? Ou se ralliera-t-elle à la motion de « Camba » ? D’autre part, les proches de Manuel Valls prendront-ils le risque de présenter une motion ? Si, à n’en pas douter, une motion présentée par le Premier ministre ferait un score plus important que son 5 % à la primaire de 2011, il est tout aussi certain que la ligne « Valls » restera minoritaire dans le parti ; et le locataire de Matignon, qui vise à terme l’Elysée, n’a évidemment pas intérêt à ce que cela se sache.

Qui pour incarner les frondeurs ?

_ Côté frondeurs, on dit encore ignorer qui incarnera la motion. Le choix est suspendu à la décision de Martine Aubry : si la maire de Lille se rallie aux frondeurs, prendra-t-elle la tête de la motion en candidatant au poste de premier secrétaire ? Peu probable, mais peut-être voudra-t-elle en revanche imposer l’un de ses lieutenants – le nom de Jean-Marc Germain circule… Il faudra aussi compter avec l’inconnue Arnaud Montebourg.
_ Autre problème, et non des moindres : comme le montre la multiplicité des courants à la gauche du PS (Un monde d’avance, Maintenant La Gauche…), les membres de l’aile gauche sont moins unis qu’il n’y paraît. Révéler dès aujourd’hui un nom de candidat potentiel serait facteur de division. Benoît Hamon est certes le candidat des médias, mais son passage dans le gouvernement Valls-1 a abîmé son image de frondeur authentique. « Jamais je ne me rallierai à Benoît ! , s’énervait récemment Gérard Filoche. Il a été l’artisan de l’arrivée de Manuel Valls à l’Elysée et maintenant, il voudrait nous faire croire qu’il représente l’alternative ? » La cohérence voudrait qu’Emmanuel Maurel conduise cette motion. Au congrès de Toulouse en 2012, contre l’option retenue par Benoît Hamon, rallié à la motion majoritaire, l’eurodéputé avait en effet maintenu une motion de l’aile gauche. Mais Emmanuel Maurel souffre d’un déficit de notoriété qui laisse peu de place à cette option.

Les frondeurs ont-ils une chance de gagner le congrès ?

_ « Structurellement, l’aile gauche “pèse” 40 %, mais si Martine Aubry nous rejoint, on passera le cap des 50 % et on prendra le parti » , estime Gérard Filoche. L’aile gauche représente-t-elle réellement 40 % des militants du PS ? En 2012, deux motions pouvaient se réclamer de l’aile gauche : celle portée par Emmanuel Maurel (Maintenant la gauche) et celle conduite par Stéphane Hessel et Pierre Larrouturou (Oser. Plus Loin. Plus vite). Elles avaient obtenu respectivement 13,28 % et 11,78 % des suffrages, soit au total 25 % du vote des militants. Certes, avec un socialiste fraîchement élu à la fonction suprême, la période (fin octobre 2012) n’était alors pas à la fronde : le courant Un monde d’avance de Benoît Hamon, qui avait rassemblé 18 % des suffrages au congrès précédent en 2008, s’était d’ailleurs dilué dans la motion majoritaire, tout comme les soutiens de Martine Aubry.
_ Alors, d’où sort ce « 40 % » avancé par Gérard Filoche ? Impossible d’ajouter les motions de Maurel et Hessel de 2012 à celle de Hamon de 2008 puisqu’elles étaient alors, peu ou prou, toutes trois confondues au congrès de Reims. Il faut remonter au congrès du Mans, organisé juste après le référendum de 2005 sur la constitution européenne, pour trouver une aile gauche à 40 % : la motion du Nouveau Parti Socialiste de Vincent Peillon, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, avait séduit plus de 23 % des militants, et la motion des « nonistes » au référendum conduite par Laurent Fabius (avec Marie-Noëlle Lienemann et Jean-Luc Mélenchon) avait atteint 21 %. Mais cette dernière comptait aussi de nombreux fabiusiens historiques tentés de longue date par le libéralisme.
_ Reste à savoir si l’aile gauche reste aussi forte aujourd’hui… « Si tous les dégoûtés s’en vont [du PS], il ne restera plus que les dégoûtants » , prophétisait, l’automne dernier, Emmanuel Maurel. Dégoûtés par la politique du gouvernement, les militants de l’aile gauche ont en effet déserté par dizaines dans certaines fédérations (lire ici). Si les frondeurs assurent avoir beaucoup de soutiens sur le terrain, d’autres font valoir le fait qu’il reste surtout au PS les militants « légitimistes », qui seront donc plutôt tentés de voter pour le statu quo incarné par Cambadélis.

Quel est le calendrier ?

_ En réalité, c’est dans la période de l’avant-congrès (ces jours-ci) que s’ouvrent les débats et se nouent les alliances, les trois jours du congrès servant à ratifier le choix des militants et à retrouver l’unité du parti autour d’une synthèse. Les socialistes ont jusqu’au conseil national du 11 avril pour déposer leur motion. Les militants voteront le 21 mai pour choisir la motion qu’ils soutiennent, puis le 28 mai pour le premier secrétaire, qui sera nécessairement le premier signataire de l’une des deux motions arrivées en tête. Le congrès se tiendra les 5, 6 et 7 juin, à Poitiers.

Politique
Temps de lecture : 7 minutes
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