Les images de l’opération policière contre des migrants à Paris

Quatre-vingt-quatre migrants ont été interpellés ce lundi dans le nord de Paris, au cours d’une intervention policière particulièrement violente.

Erwan Manac'h  • 8 juin 2015
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Lire > Arrestations de migrants : 45 réfugiés menacés d’expulsion

L’opération débute peu avant 14 h, rue Pajol, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, alors qu’une distribution de nourriture est en cours.

Une partie des réfugiés visés par les forces de l’ordre est entrée sans opposer de résistance dans le bus qui devait les conduire dans au commissariat pour « identification ». D’autres, encerclés par des sympathisants et de nombreux élus locaux, résistent aux charges répétées des CRS bientôt rejoints par les gendarmes mobiles.

La scène se reproduit durant plus de deux heures : un groupe de CRS charge la foule compacte regroupée autour des migrants, pour tenter d’en interpeller. Les militants les plus téméraires sont interpellés pour être relâchés à quelques mètres ou embarqués dans le bus qui doit les conduire au commissariat.

Les CRS donnent peu de coups de matraque, mais des corps-à-corps violents pressent la foule contre le mur de la bibliothèque Vaclav-Havel.

Les forces de l’ordre ne feront usage de leurs gazeuses qu’une fois, peu après 16 h, entraînant la dispersion du cordon de solidarité qui s’était formé autour des migrants. Dans l’agitation, une grande partie des migrants parviendront à s’enfuir.

Des reconduites à la frontière ne sont pas exclues

La plupart de ces réfugiés ont été expulsés mardi 2 juin d’un campement installé sous un pont à La Chapelle, à quelques mètres de là. Depuis vendredi, ils sont constamment repoussés par les forces de l’ordre qui tentent d’empêcher toute réinstallation dans la zone, tandis qu’une grande confusion règne sur leur situation.

Parmi eux, des demandeurs d’asile en attente d’un accompagnement, des réfugiés « en transit » vers l’Angleterre ou les pays du nord de l’Europe (200 selon la préfecture) et certains migrants isolés dépendants de l’hébergement d’urgence.

Selon la préfecture de police, 84 personnes ont été interpellées « pour identification ». Le représentant de la préfecture, présent sur place pendant l’opération, n’a pas pu donné la garantie qu’il n’y aurait pas de reconduite à la frontière à l’issue de cette opération.

Les pompiers ont été appelés pour au moins trois interventions auprès de réfugiés. Le préfet n’a pas communiqué sur le bilan des blessés.

Illustration - Les images de l'opération policière contre des migrants à Paris

Les migrants étaient toujours lundi soir à la recherche d’un endroit où dormir, selon des témoins présents rue Pajol :

Nombreuses réactions politiques

Parmi les réactions politiques ce mardi, le ministre des relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, estime que « notre gouvernement applique les règles de l’état de droit avec humanité » .

La teneur est tout autre à la gauche du PS. EELV « dénonce les violences policières » qui « bafoue [ent] le droit au respect et à la dignité. […] Ces personnes doivent désormais être orientées vers des solutions d’hébergement d’urgence, dès ce soir, qu’ils soient éligibles ou non au droit d’asile » , affirment les porte-parole du parti écologiste.

« L’utilisation répétée de la force publique à l’encontre des réfugiés est sans issue. Il conviendrait plutôt de chercher des solutions avec les associations, pour l’ensemble des personnes, quel que soit leur statut » , a regretté Nicolas Bonnet Oulaldj, président du groupe Communiste-Front de gauche au Conseil de Paris.

Le malaise est grand aussi du côté de France terre d’asile, qui s’occupait depuis l’été dernier du campement de La Chapelle : « Une opération policière ne réglera jamais la question migratoire » , regrette Pierre Henry, président de l’association.

Il répond aux reproches dont France terre d’asile fait les frais pour avoir donné son aval au démantèlement du campement de La Chapelle et dénonce « les postures » de certains militants engagés aux côtés des migrants depuis leur expulsion de La Chapelle :

« Cela fait six à huit mois que j’alerte sur la situation de ce campement. Il n’y avait personne sur le terrain et pas un article dans la presse. Nous nous sommes battus pour qu’il y ait des hébergements » , lance-t-il.

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