Notre-Dame-des-Landes : En piste pour la COP 21

À quatre mois de la conférence Paris climat 2015, le rassemblement des opposants à l’aéroport s’est affirmé comme le centre névralgique de toutes les luttes écologistes.

Erwan Manac'h  • 16 juillet 2015 abonné·es
Notre-Dame-des-Landes : En piste pour la COP 21
© Photo : Erwan Manac’h

Les organisateurs s’attendaient à une affluence moyenne, pour ce 15e rassemblement des opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le calme qui règne sur la ZAD, l’optimisme sur le volet politique, le long répit offert par le jeu des recours juridiques : tout semblait coïncider pour que la foule vaque à d’autres priorités.

C’est tout l’inverse qui s’est ** produit les 11 et 12 juillet. Avec 10 000 à 15 000 participants sur deux jours, selon l’estimation des militants de l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Acipa), cette lutte a tenu son rang de locomotive pour une pléiade de combats écologistes. Loin d’être dépassé par son succès, l’alliage hétéroclite des opposants à l’aéroport a conduit les deux jours de forum avec une apparente facilité, grâce à 900 bénévoles et beaucoup d’enthousiasme. Devant l’imposant alignement de toilettes sèches, de bassines dédiées à la vaisselle autogérée ou sous les 7 chapiteaux de « l’université populaire », la ZAD a vécu deux jours de retrouvailles réconfortantes en attendant les « gros dossiers ». Ce succès fait percer un constat encourageant : le slogan « ZAD partout » est devenu réalité dans l’Hexagone. À Bure, à Roybon, à Sivens, à Gonesse, etc., les résistances locales contre les grands projets inutiles ont acquis une expertise sur le fond et sur les moyens d’agir. Les promoteurs et les pouvoirs locaux doivent passer en force et ils agissent désormais à découvert. Cette alliance en construction avait ce week-end un renfort de poids. Un Italien discret, qui promène ses cheveux gris et quelques décennies d’expérience dans la foule familiale. Gianni Tognoni, « magistrat » pour le Tribunal permanent des peuples, était présent sur la ZAD pendant quatre jours pour le compte d’une instruction sur les projets inutiles en Europe. Saisi par les opposants au TGV Lyon-Turin, il espère rendre ses actes d’accusation à la mi-novembre, en pleine conférence climatique.

La COP 21 est d’ailleurs dans tous les esprits. Et l’heure n’est plus au « vent d’espoir » et à « l’interpellation des décideurs ». Les longs mois de « gueule de bois » qui ont suivi l’échec de la conférence de Copenhague ont endurci les mouvements écolos. La COP 21 – sponsorisée notamment par Air France, EDF, Renault Nissan et BNP Paribas – est davantage abordée comme un moment d’unité des luttes climatiques du monde entier, « pour faire émerger un mouvement durable » qui dépasse largement l’agenda onusien, estime Juliette Rousseau, coordinatrice de la Coalition 21, regroupement d’organisations qui prépare la mobilisation. Les accords de libre-échange transatlantique font aussi souffler un vent de révolte sur ce foyer brûlant. Il a déjà donné lieu à une mobilisation des citoyens européens  « sans précédent », témoigne Frédéric Viale, chargé du dossier pour Attac. À ce jour, une pétition contre le projet d’accord a recueilli 2,3 millions de signatures. Et 409 communes ainsi que 15 régions se sont symboliquement déclarées « hors Tafta ». Sous des chapiteaux souvent pleins à craquer, les intervenants parlent donc de moyens d’action : « boycott », luttes locales et « démocratie citoyenne ». Les discours de stratégies électorales ont été mis en sourdine. La priorité, pour la foule réunie ce week-end, est plus que jamais l’action locale et la construction d’alternatives citoyennes.

L’heure est d’ailleurs cruciale sur plusieurs dossiers. Les opposants au Center Parcs de Roybon (Isère) attendent un jugement du tribunal administratif de Grenoble, jeudi 16 juillet, au sujet des recours qu’ils ont déposés contre la dérogation à la loi sur l’eau. À Bure (Meuse), les opposants au projet d’enfouissement de déchets nucléaires sont « à la peine », après le vote de la loi Macron qui comportait une réforme des règles sur l’enfouissement des déchets nucléaires (voir p. 9). Un rassemblement sur place est prévu du 1er au 10 août. Quant à Notre-Dame-des-Landes, le tribunal administratif doit rendre son jugement sur les recours en justice vendredi 17 juillet. « Il y a un plan com’ des pro-aéroport qui veulent nous faire croire que les travaux démarreront en cas de rejet de nos recours », dénonce Dominique Fresneau, coprésident de l’Acipa. Mais il reste plus d’un tour dans la manche des défenseurs du bocage nantais : la procédure en appel, la requête au Conseil d’État, les recours auprès de la Cour de justice européenne, sans oublier les démarches contre les arrêtés de défrichement et les permis de construire qui n’ont toujours pas été publiés. Une bagarre devrait s’ouvrir également contre la ligne de TGV prévue sur la zone (voir ci-contre). Bref, si les socialistes honorent l’accord « de la grève de la faim », qui prévoit le gel des travaux jusqu’à l’épuisement des recours, il reste « au moins trois ans » à ce centre névralgique des luttes écologiques pour distiller son message d’espoir.

Écologie
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